EDITORIAL. Cancer : même plus peur ?
"Chimiothérapie, métastases, Professeur Schwartzenberg, espoir : cherchez l’intrus !" Il était grinçant, l’humour de Pierre Desproges, mais il mettait le doigt là où ça fait peur. Cancer ! Six petites lettres que nous avons du mal à prononcer. Un de ces mots maudits qui nous plombe, parce qu’on a tous un proche qui s’est fait pincer par « le crabe ». Et la bête est redoutable. D’ailleurs, combien de fois on remplace le terme par « une longue maladie ». Euphémisme convenu, pour un mal qui peut parfois être foudroyant. Pierre Desproges lui-même devait avoir une sorte de triste prémonition, puisque c’est cette maladie qui l’a emporté. « Etonnant, non ? », avait-il commenté depuis son au-delà.
Alors tant pis pour Desproges et son pessimisme : oui, aujourd’hui, il y a de l’espoir, un bel espoir même. La recherche contre le cancer est en train de faire des pas de géant. Les statistiques sont là, bien que les chiffres soient encore timides, on guérit aujourd’hui plus de cancers qu’il y a dix ou vingt ans. Même si la bagarre est toujours incertaine.
C’est en 2003 que Jacques Chirac avait lancé le premier grand plan cancer. Aujourd’hui encore, les acteurs de la recherche et de la médecine rendent hommage à ce coup d’accélérateur. Il y a eu de l’argent pour les labos. On a multiplié les opérations de dépistage. L’accompagnement des malades s’est amélioré. Et l’on a voulu mobiliser la population avec des campagnes de prévention : tabac, alcool, etc.
Tout cela a porté ses fruits. Les statistiques ont montré un réel infléchissement des décès. Cette politique a été prolongée par trois plans successifs. Une réelle mobilisation, où Toulouse joue désormais un rôle majeur, avec l’Oncopole. En quelques années, ce centre est devenu un des pôles d’excellence du soin et de la recherche en France. Et sa progression au niveau mondial est loin d’être terminée.
L’autre révolution nous vient des éprouvettes. On a compris qu’avec le cancer, il faut se battre comme dans les arts martiaux. En cherchant les failles de l’adversaire. Chaque cancer est particulier ? Eh bien, on va lui ajuster une arme particulière. Individualisation de traitement, analyses fines des lésions, immunothérapie, et bientôt un vaccin personnalisé contre les récidives, on fabrique du sur-mesure. Et avec des outils qui n’existaient pas il y a quelques années. Et ça marche ! Même plus peur ?
N’oublions pas malgré tout notre responsabilité : cigarette et alcool ? Bien sûr, mais le cancer s’incruste aussi avec l’obésité, les pesticides, les pfas, la pollution de l’air, le stress, la pauvreté… Les scientifiques font des prouesses, mais chacun d’entre nous doit veiller à éliminer ce qui facilite le boulot aux tumeurs : pas question de lui serrer la pince, au crabe.