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Guerre en Ukraine : Une capacité de nuisance
Il faut reconnaître que les Ukrainiens viennent de réussir un sacré coup militaire. En expédiant des drones jusqu’en Sibérie qui ont atteint plusieurs aéroports et détruit de gros bombardiers russes Tupolev, ils ont démontré une habileté peu commune dans l’art de la surprise. Personne ne s’attendait à ce qu’ils puissent attaquer leur grand voisin à une telle distance. Alors que leur armée résiste désespérément sur le front face à des forces qui lui sont supérieures et qui avancent à petits pas, les Ukrainiens viennent d’administrer la preuve de leur capacité de nuisance. Ils sont sans doute moins nombreux et moins puissants, mais ils peuvent frapper fort et loin l’envahisseur russe, à des milliers de kilomètres, jusqu’à atteindre ses bases stratégiques.
Ces expéditions lointaines de drones dépassent même leur caractère strictement militaire. Ils participent d’une « ambiance » géopolitique particulière : leur déroulement témoigne d’abord d’une habileté redoutable des stratèges ukrainiens ; c’est aussi un camouflet évident pour les services de renseignements russes totalement piégés par une opération préparée de longue date ; c’est un indice probable de l’aide apportée par certains pays occidentaux dont les satellites ont sans doute fourni aux Ukrainiens des données essentielles ; c’est surtout le signe, pour Vladimir Poutine, que sa Russie reste un colosse fragile et que, même s’il pense l’emporter, sa guerre peut encore lui coûter cher.
Est-ce suffisant pour entrer dans la balance d’un conflit qui dure depuis trois ans, ravage villes et villages ukrainiens, sacrifie de part et d’autre des milliers de jeunes soldats sans compter les civils, et coûte à toute l’Europe une inquiétude qui pèse lourdement sur son avenir ?
La guerre et la paix. L’une continue donc jour après jour. L’autre se négocie vaguement, avec des pourparlers dont on se demande encore s’ils sont sincères et pourraient, un jour, connaître une réelle avancée. Ainsi, hier, en Turquie, les délégations russes et ukrainiennes ont une nouvelle fois donné au mot « cessez-le-feu » des connotations différentes. « Cessez-le-feu inconditionnel » pour Kiev. « Cessez-le-feu partiel de trois jours » pour Moscou. Autant dire que chacun est ressorti comme il était venu. Dans cette négociation de « seconds couteaux », une seule éclaircie : un nouvel échange de prisonniers. Merci pour eux.
En attendant, on a compris que les Russes veulent s’adjuger une position de force sur le terrain, quand les Ukrainiens espèrent tirer un avantage psychologique de leur audacieuse offensive de dimanche. Mais nous sommes encore loin d’une rencontre au sommet entre Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky et Donald Trump, le seul format politique qui ressemblerait enfin à un premier pas – et dont on ne sait pourtant s’il serait décisif.