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En Roumanie, salutaire leçon européenne
Si elle pouvait parler d’une seule voix – sa principale faiblesse
est qu’elle ne le fait pas – l’Europe reprendrait à son compte la
fameuse maxime de Joseph Joubert : « Quand je m’examine, je
me désole ; quand je me compare, je me console. » Ce dimanche,
les électeurs roumains se sont mobilisés pour écarter le péril
de l’extrême-droite, arrivé largement en tête au premier tour.
Peut-être se sont-ils souvenus de ce que leur pays, essoré par une dictature
communiste, doit à Bruxelles, cible facile de nationalistes qui
préféreraient confier leur destin à Donald Trump et Vladimir Poutine,
jumeaux impérialistes, dont on sait le mépris qu’ils vouent à l’Europe,
tout juste bonne à jouer la vassale.
On espère que les Polonais imiteront les Roumains le 1er juin prochain
pour leur propre scrutin présidentiel, là encore entre un candidat
europhile et son rival russophile. Varsovie est aujourd’hui
l’une des capitales les plus influentes et les plus prospères du
vieux continent. Où en serait elle si elle s’était enfermée dans
le giron de Moscou ?
Séduits par un discours simpliste et démagogique, les Portugais
ont permis à l’extrême-droite de réaliser, avec 20 % des voix, son
meilleur score depuis la chute de la dictature militaire en 1974. Que
veulent ses électeurs ? Repartir un demi-siècle en arrière, avant que
l’Europe, malgré tous ses défauts, facilite et accélère le développement
économique et la stabilité démocratique du Portugal ?
Croient-ils que leur patrie peut s’en sortir seule, comme l’ont gobé les
Britanniques, trompés par les mensonges des avocats du Brexit dont
certains conservent un inexplicable crédit ?
Si l’actuel locataire du 10 Downing Street n’a pas le charisme ni l’excentricité
de son prédécesseur Boris Johnson, Keir Starmer a en revanche
le pragmatisme suffisant pour tenter de réparer ce qui fut cassé par
opportunisme électoral, il y a presque dix ans. L’invasion russe en
Ukraine et la nécessité vitale de se protéger contre le Kremlin ont
certes joué un rôle déterminant dans le rapprochement entre Londres
et Bruxelles, mais, au-delà de la défense, Grande-Bretagne et Union ont
sagement préféré la raison à la rancoeur et signé une série d’accords de
coopération commerciale, dont un sur la pêche, sujet de friction avec
la France. La colère et l’aigreur sont mauvaises conseillères, surtout
dans un isoloir. Ce dimanche, les Roumains ont prouvé que ni trumpisme
ni poutinisme ne sont des fatalités.
Éditorial Sud-Ouest Benoît Lasserre