Présidence de LR : grand vainqueur, Bruno Retailleau confirme son statut d'homme fort de la droite
Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a été très largement élu à la tête de LR ce dimanche soir, avec 74,31 % des voix, face à Laurent Wauquiez, qui n'a réuni que 25,69 % des suffrages. Le nouveau président de LR, qui va compter pour 2027, va devoir projeter son parti vers les prochaines échéances électorales tout en étant au gouvernement.

Par Jacques Paugam Les Echos
Pari plus que gagnant pour Bruno Retailleau. Après plus de trois mois d'une campagne acharnée sur le terrain et dans les fédérations, le ministre de l'Intérieur a été très largement élu à la présidence de son parti, dimanche 18 mai, avec 74,31 % des voix contre Laurent Wauquiez, qui ne réunit que 25,69 % des suffrages. Un revers majeur pour le chef de file des députés LR à l'Assemblée, pourtant seul en lice il y a encore quatre mois, après une campagne marquée par ses tentatives de surenchère.
La question du leadership désormais tranchée, l'accession de Bruno Retailleau à la présidence de LR marque aussi un choix clair des adhérents - qui ont triplé en trois mois - en faveur d'une participation de la droite au gouvernement. Pour éviter « le pire, c'est-à-dire la gauche », a martelé le ministre de l'Intérieur durant toute sa campagne. «Cette question [de la participation du gouvernement, NDLR], elle est tranchée, avec 74%, si les adhérents ne voulaient pas que je sois au gouvernement, cela aurait été un désaveu», a encore souligné Bruno Retailleau dimanche soir lors du 20 heures de TF1 alors que Laurent Wauquiez a encore mis en garde contre la dilution dans le macronisme.
Ce scrutin fait aussi de Bruno Retailleau l'homme fort de LR dans la perspective de la prochaine élection présidentielle en 2027. Après avoir repris des couleurs à la faveur de ce scrutin interne et avec un score aussi net, LR veut croire à nouveau en ses chances.
Satisfecit
« Félicitations chaleureuses à Bruno Retailleau pour sa magnifique victoire », a réagi dans la foulée le Premier ministre, François Bayrou, sur le réseau social X. « Je viens d'appeler Bruno Retailleau pour le féliciter de sa victoire », a déclaré Laurent Wauquiez, reconnaissant sa défaite lors d'une allocution au Puy-en-Velay, son fief d'Auvergne-Rhône-Alpes. « C'est une étape importante. La plus grande fierté de cette campagne, c'est que je voulais faire revenir à nous des gens qui nous avaient quittés », a insisté le vainqueur, sur TF1.
A 64 ans, ce Vendéen a fait ses débuts politiques aux côtés de Philippe de Villiers, avant de rejoindre l'UMP en 2010 puis d'être élu à la présidence du groupe LR au Sénat en 2014. Soutien historique de François Fillon pendant la campagne de 2017, aux convictions fortement ancrées à droite, il prend désormais les rênes de LR après avoir fait campagne sur sa popularité de ministre de l'Intérieur. La validation d'une stratégie esquissée après sa prise de fonction en septembre dernier, alors que le patron de la majorité sénatoriale, jusqu'ici inconnu dans l'opinion, faisait son entrée au sein du gouvernement.
En sept mois, il est parvenu à se faire un nom et a imposé sa marque à Beauvau, malgré l'absence de majorité à l'Assemblée nationale ainsi que le vote d'une motion de censure contre Michel Barnier. En février dernier, porté par les sondages et soutenu par la plupart des ténors de LR, le ministre de l'Intérieur a pris son risque. Face à lui, Laurent Wauquiez, dont l'image est toujours entachée d'un fort soupçon d'insincérité, n'est pas parvenu à inverser la tendance malgré une campagne de terrain.
Présidentielle en ligne de mire
Après un tel échec, le député de Haute-Loire aura du mal à peser au sein de la future direction du parti mais ne renonce pas pour autant au « projet de rupture » défendu pendant sa campagne. « Et nous ne pourrons le faire si nous sommes dilués dans le macronisme », a-t-il prévenu lors de son allocution, laissant entendre qu'il faudrait compter avec lui, pour l'avenir, malgré la déception chez ses soutiens. « Si nous sommes au gouvernement aujourd'hui, c'est simplement pour éviter le pire (...) si nous avions dit non, le président de la République n'aurait pas eu d'autre choix que de donner les clés à la gauche mélenchonisée », lui a répondu Bruno Retailleau sur TF1.
Derrière le choix du président de LR, se profile la prochaine élection présidentielle en 2027. Et la perceptive de nouvelles alliances. Toujours en tête des sondages, notamment chez les sympathisants de droite, Edouard Philippe, lui-même issu des Républicains, est réputé plus proche du ministre de l'Intérieur que de Laurent Wauquiez, qu'il a vertement critiqué en meeting à Marseille, samedi, fustigeant « ceux qui font du trumpisme aux petits pieds ».
A la tête de LR, Bruno Retailleau sera-t-il tenté d'opérer un rapprochement stratégique avec un parti comme Horizons, par exemple ? Une perspective dénoncée par Laurent Wauquiez après que « Le Parisien » a fait état de « pourparlers » en vue d'un accord pour les futures élections municipales entre macronistes et représentants de LR, dont Gérard Larcher, le président du Sénat et principal soutien de Bruno Retailleau. « Nous avons vocation à avoir notre étendard LR pour 2027 », avait clarifié le ministre candidat, face aux attaques finalement restées vaines de son concurrent.
«Porter notre projet pour la présidentielle»
D'autant que Bruno Retailleau pourrait être de plus en plus poussé à la démission par ses troupes afin de préparer une potentielle candidature à l'Elysée d'ici à la fin du quinquennat. « Colline après colline », a coutume de botter en touche l'intéressé, qui a été soutenu dans cette élection par la majorité des barons LR, notamment par Xavier Bertrand, dont les ambitions élyséennes sont connues, mais aussi par David Lisnard, le maire de Cannes à la tête de son mouvement « Nouvelle énergie ».
Mais ce dimanche soir sur TF1, Bruno Retailleau a à nouveau affirmé que «notre famille politique est à même aujourd'hui de porter notre projet pour la présidentielle». Le ministre de l'Intérieur a d'ailleurs assuré qu'il fallait «travailler» en vue de ce projet pour 2027. «Je veux porter les aspirations de la France des honnêtes gens», a-t-il lancé. Avant l'élection présidentielle, Bruno Retailleau a mis le cap sur les municipales pour lesquelles il souhaite une «vague bleue».
A plus court terme, c'est aussi la question du prochain budget qui risque d'agiter les débats dans l'hémicycle et à l'intérieur des Républicains. Même sévèrement battu, Laurent Wauquiez resterait toujours président du groupe des députés au Palais-Bourbon. Il avait menacé en avril de revoir le soutien de son groupe en cas d'augmentation d'impôt et dévoilé un plan de 40 milliards d'économies.
Il faut « assumer la baisse de la dépense publique afin de protéger les Français, et notamment nos retraités, des augmentations d'impôts », a-t-il martelé dimanche lors de son allocution. Mais la victoire sans appel de son rival lui laisse peu d'espace politique.
De son côté, Bruno Retailleau devra concilier son appartenance à l'exécutif avec l'exigence de maîtrise des déficits publics portée par LR depuis des années. Tout en évitant les attaques qui ne manqueront pas de venir en provenance du bloc central et des oppositions. Un exercice de style amené à se répéter dans les prochains mois.
Jacques Paugam