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Au Vatican, ne jamais dire qu’on est candidat !
Autant le dire tout de suite, le conclave, le vrai, celui qui débutera
ce mercredi, ne connaîtra pas la fin imprévue (et plutôt
extravagante) du film homonyme, opportunément sorti sur
les écrans à l’automne dernier et auquel la mort de François
offre un regain de spectateurs.
Avant de s’enfermer un, deux ou trois jours, voire plus, tant qu’une
fumée blanche ne se sera pas dispersée dans le ciel de Rome, les cardinaux
multiplient les selfies sur la place Saint-Pierre. Beaucoup d’entre
eux quittent rarement leur diocèse ou leur pays. L’occasion est trop
belle pour profiter de son quart d’heure de célébrité au coeur de la
capitale mondiale du catholicisme.
Le trône pontifical échappe pourtant à l’Italie depuis 1978 et l’avènement
de Jean-Paul II. Le dernier pape transalpin, Jean-Paul Ier, n’a
régné que trente-trois jours avant de décéder dans des circonstances
qui alimentent encore les théories complotistes.
Et Dieu sait à quel point celles-ci affectionnent le Vatican,
lieu de secrets et de fantasmes où est souvent élu celui
qu’on n’attendait pas. Au contraire d’une présidentielle,
ne jamais dire qu’on y pense et pas qu’en se rasant. « Qui entre pape au
conclave en ressort cardinal », affirment les spécialistes, qui dévoilent
néanmoins la liste de leurs favoris comme les envoyés spéciaux au
Festival de Cannes.
Le corps électoral est insondable, et ce n’est pas parce que François a
nommé la majorité des cardinaux réunis à la chapelle Sixtine que son
successeur poursuivra son oeuvre. L’enjeu n’est pas qu’entre le Nord et
le Sud, avec l’Afrique ou l’Asie qui rêvent d’avoir enfin « leur » pape.
Il est aussi entre conservateurs et libéraux, clivage qui se croise avec
celui de la géographie, sachant que défendre le sort des pauvres et des
opprimés n’implique pas d’accepter l’avortement ou l’euthanasie.
À l’égal de ce qui se déroule à Bruxelles, la partie se dispute entre les
influences italienne et française. Les partisans de Giorgia Meloni soupçonnent
Emmanuel Macron de manigancer pour faire triompher un
compatriote. Et pourquoi pas ramener la papauté en Avignon ? Franchement,
choisir comme directeur de campagne l’artisan de la dissolution
de juin 2024 prouverait que le Saint-Esprit a perdu son souffle.
Pendant ce temps-là, Donald Trump diffuse sa grotesque image en
habit de pape. Voici la seule certitude de cette actualité romaine :
les États-Unis sont entre les mains d’un histrion. Sinistre et indécent.
Benoît Lasserre éditorial Sud-Ouest
