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À gauche, l’illusion d’un sondage
Le quinquennat ayant inventé l’état de campagne permanente,
la présidentielle de 2027 occupe déjà tous les partis politiques.
Un sondage Harris Interactive publié mercredi pour le magazine
« Regards » vient de mettre une pièce de plus dans la
machine à projection. Selon cette enquête, un ou une candidate de la
gauche unie, c’est-à-dire soutenue par LFI, le PS, les écologistes, les
communistes et leurs alliés habituels, se qualifierait pour le second
tour, avec 26 % des voix, et affronterait l’extrême droite.
Pour la gauche, écartée du pouvoir depuis 2017, cette enquête laisse
entrevoir des perspectives. Marine Tondelier, la patronne des Écologistes,
et Clémentine Autain, la députée de Seine-Saint-Denis en rupture
de ban avec LFI, s’en sont aussitôt emparées. La première en appelant
la gauche à l’union. La seconde en déclarant sa candidature à un
hypothétique « processus de sélection ».
Mais de quelle gauche parlet-on ? Celle qui, après la dissolution
de juin dernier, a réussi à se rassembler sous la bannière du
Nouveau Front populaire, envoyant 195 députés à l’Assemblée ?
Ou celle qui, cet hiver, a signé la fin de vie de ce même NFP, incapable
de surmonter ses divisions ? Certes, elle a su faire bloc pour
censurer Michel Barnier en décembre. Mais elle a explosé sur le projet
de loi de finances de François Bayrou, les Verts, les communistes et LFI
votant la censure quand les socialistes ont choisi de s’abstenir après
avoir obtenu plusieurs concessions du Premier ministre, dont la réouverture
des négociations sur la réforme des retraites.
Depuis, la rupture est consommée entre les socialistes et les Insoumis.
Et l’approche de 2027 ne va faire qu’ajouter du sel sur les plaies. Au sein
du PS, les avis divergent sur l’idée d’une candidature commune. De son
côté, Raphaël Glucksmann n’exclut pas d’y aller en solitaire, sans parler
de Jean-Luc Mélenchon qui est loin d’avoir renoncé…
Àbien des égards, ce sondage doit donc être pris avec des pincettes.
Au-delà d’éventuels accords d’appareils, l’équation comporte deux
inconnues majeures : celle de l’incarnation et celle des idées. À part
Jean-Luc Mélenchon, qui, à gauche, a émergé ? Personne. De même,
la gauche ne peut s’enfermer dans ses seuls rêves de hausses d’impôts.
Il lui reste vingt-quatre mois pour susciter de l’intérêt. Huit ans après
avoir quitté l’Élysée par la petite porte et deux présidentielles en forme
d’accident industriel, elle ferait mieux de se mettre au travail plutôt que
de se laisser bercer par le ronron d’un sondage racontant une histoire
qui n’existe pas.
Jefferson Desport édito Sud-Ouest