Jean-Claude Souléry, éditorialiste à La Dépêche du Midi

  • Jean-Claude Souléry, éditorialiste à La Dépêche du Midi DDM
Publié le 
Jean-Claude Souléry La DDM

Les obsèques, impressionnantes et populaires, du « pape des pauvres » ont témoigné, dans une Rome bouleversée d’émotions, de la place toute particulière de l’Église catholique dans le rang des nations. Son chef règne sur un territoire minuscule, il n’a pas d’armée – ça fait bien longtemps qu’il n’entreprend plus de croisades sanguinaires ! –, il ne se pare jamais d’un pouvoir politique, et pourtant il suffit parfois d’une de ses paroles, d’un de ses gestes, pour secouer le monde et – plus rarement – le changer. La force du pape est de parler directement au cœur des hommes, sans avoir à se soucier de considérations stratégiques, politiques ou diplomatiques. C’est ainsi qu’il peut enthousiasmer les misérables, diviser son propre camp, ou choquer les puissants.

 

Pour autant, les plus puissants, chefs d’États ou têtes couronnées, doivent faire avec. Et la présence de certains d’entre eux et non des moindres lors des obsèques de François démontre clairement le rayonnement mondial qui est celui du chef de l’Église. Une place « à part » dans le concert des nations, une voix qui porte au loin, vers tous les continents et toutes les cultures.
C’est pourquoi la nomination de son successeur est attendue avec impatience aussi bien par la communauté catholique – 1,4 milliard de femmes et d’hommes – que par tous ceux qui ont une part de pouvoir politique dans le monde.

Cette impatience se traduit par une même interrogation : le prochain souverain pontife mettra-t-il ses pieds dans les traces du défunt, reprendra-t-il son message, ou, au contraire donnera-t-il à l’Église un virage différent ? Autrement dit : sera-t-il « progressiste » comme on l’a prétendu de François ou bien « conservateur » comme ce fut le cas avant lui de Benoît XVI ?

Car cette élection, au-delà d’un rite depuis longtemps très réglementé, garde un parfum de « sainte politique ». Bien sûr on n’y parle pas de gauche ou de droite, mais, à bien y regarder, des divergences existent pour porter le message de l’Église qui, lui, se veut pourtant universel. Déjà, les cardinaux électeurs s’y préparent, ils se rencontrent depuis quelques jours à Rome, avant de s’enfermer en conclave dans le plus grand secret, ils échangent sur leurs préoccupations très souvent différentes selon leur continent, et sur l’avenir d’une institution bousculée par les violences sexuelles, désespérée par la désertion des lieux de culte et inquiète de ses rapports au monde moderne. Le maître mot qui revient dans l’air du temps est celui de l’« unité » de l’Église – sans doute un besoin de stabilité qui lui manque face aux désordres du monde.

Y aurait-il, avant que tout commence, des favoris – pourquoi pas un Marseillais, un Asiatique ou un Africain ? Difficile de jouer au prophète. Sur les 135 électeurs, 108 ont été créés par le pape François – ce qui renouvelle grandement l’assemblée du conclave. Ils sont moins « occidentaux », ils viennent de toutes les « périphéries » du monde et, en définitive, se connaissent peu. C’est pourquoi leur vote, « inspiré par le Saint-Esprit » sous la fresque grandiose du « Jugement dernier » de Michel-Ange, pourrait bien être imprévisible…