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Taxer les retraités, un hara-kiri politique
Il serait très étonnant que François Bayrou reprenne l’idée d’Amélie
de Montchalin, la ministre des Comptes publics, de supprimer
l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités depuis…
1978. En effet, si le gouvernement cherche entre 40 et 50 milliards
d’euros d’économies supplémentaires pour boucler le prochain budget
et poursuivre la nécessaire reprise en main du déficit public, s’attaquer
aux retraités reste une discipline risquée. Et potentiellement fatale.
D’abord parce qu’Emmanuel Macron et François Bayrou se sont engagés
à ne pas augmenter les impôts. Une telle mesure ne serait rien
d’autre qu’un reniement majuscule. Certes, si les armoires de la vie
politique débordent de retournements de veste et de chaudes promesses
abandonnées en rase campagne, certaines sont plus difficiles
à faire oublier que d’autres, en particulier quand elles touchent
à la fiscalité.
Surtout, ce serait oublier que c’est sur ce sujet que Michel Barnier est
tombé en décembre dernier. En refusant d’indexer les pensions sur
l’inflation pour réaliser 4 milliards d’euros d’économies, il s’est attiré
les foudres conjointes du RN et de la gauche, scellant son destin céleste
de Premier ministre comète. Dès lors, pourquoi François Bayrou,
qui a le souci de la durabilité – à Matignon –, s’engagerait-il dans cette
voie périlleuse ? À deux ans de la présidentielle, se mettre à dos les
retraités, soit le corps électoral qui se mobilise le plus, relèverait d’un
curieux hara-kiri.
Il n’empêche. Devant la perspective, dressée par la Cour des comptes,
d’un système des retraites largement déficitaire, réinterroger la solidarité
intergénérationnelle n’est pas scandaleux. Bien sûr, les retraités
d’aujourd’hui ont fait leur part. Et tous sont loin d’être logés à la même
enseigne, entre les plus aisés et les plus modestes. Mais, en l’état, le
système par répartition n’est pas viable. À cet égard, plutôt que d’agiter
ce chiffon rouge d’une éventuelle suppression de leur abattement
fiscal, surtout sans dire qui serait concerné, le gouvernement serait
bien inspiré d’attendre les conclusions du « conclave » sur les retraites.
Et d’ouvrir le dossier de la fiscalité du travail, qui reste plus taxé que
les dividendes boursiers.
Le discours de vérité qu’ambitionne de tenir François Bayrou impose
de regarder au-delà des seules économies ponctuelles. Les coups de
rabot au petit bonheur la chance, pas plus que les coups de tronçonneuse
à tort et à travers, ne sauraient en aucun cas constituer
un nouveau contrat social.
Jefferson Desport édito Sud-Ouest