EDITORIAL. Injuste et révoltant
Il y a quelque chose de profondément injuste et révoltant de vouloir faire la peau des retraités. Seraient-ils tous des millionnaires qui passeraient leur temps à vivre au crochet de ceux qui travaillent ? Seraient-ils trop nombreux, ces vieux, qui pèseraient plus que de raison sur nos dépenses sociales ? À l’heure où il faudra faire des choix pour redresser les comptes publics, serait-il opportun de supprimer les avantages fiscaux dont ils bénéficient comme tous les Français – ce qui, d’une manière indirecte et insidieuse, remet en cause leur pouvoir d’achat et, par conséquent, les droits dont ils se sont acquittés durant toutes leurs années de travail ?
Les experts qui vivent sereinement de leurs expertises considèrent pourtant que c’est à eux, les « bienheureux » retraités, de fournir un premier et dernier effort pour assainir nos finances. C’est ainsi qu’ils suggèrent de leur enlever l’abattement fiscal de 10 % pour frais professionnel, considérant qu’il s’agit là d’un cadeau camouflé, indûment attribué à des femmes et des hommes qui ne travaillent plus.
À ce calcul, s’ajoute toute une littérature qui présente les retraités comme une « classe à part », nettement plus avantagée que les actifs. L’argument massue serait que nos retraités sont propriétaires de leur logement – ce qui est pourtant loin d’être général – et que leur niveau de vie dépasse celui des jeunes travailleurs.
Faut-il rappeler qu’une pension de retraite équivaut en moyenne à 1626 euros par mois avant impôt ? Faut-il encore rappeler qu’un ancien salarié agricole arrive péniblement à 1000 euros par mois ? Rappeler aussi l’incroyable inégalité entre les hommes et les femmes, puisqu’une retraitée, elle, va toucher en moyenne 1180 euros mensuels ? Et, pour finir, souligner que le pouvoir d’achat des retraités a été lentement grignoté depuis vingt ans – puisque les pensions n’ont pas toujours été relevées au gré de l’inflation ?
Il y a enfin une certaine lâcheté (qui ne dit pas son nom) à viser cette population, en supposant qu’à 63 ans passés elle n’aurait plus les moyens ni l’envie de protester. C’est à voir.
D’autant plus que ces mêmes retraités votent plus massivement que la moyenne des Français. C’est pourquoi les élus et plus généralement les partis politiques se refusent à braquer nos seniors – et les réactions entendues à la suite des suggestions sur l’effort demandé aux retraités démontrent que la majorité d’entre eux s’y opposeront.
Dans la course aux « économies » (40 milliards d’euros !), les pistes sont nombreuses, certaines semblent vertueuses, d’autres se heurtent à des tabous. Mais s’en prendre au pouvoir d’achat des retraités, oui ! il y a là quelque chose d’injuste et révoltant.
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