Les sectes ont ceci en commun qu’elles choisissent leurs proies, agissent sur des esprits faibles ou momentanément perturbés, construisent autour d’eux des murs qui les coupent de la vraie vie et de leurs proches, et profitent ainsi de leur docilité, le plus souvent de leur fortune. Il est toujours difficile, dans un monde où les adultes sont libres de leurs choix de vie, d’empêcher leur engagement ou d’enfreindre leur volonté, apparemment lucide. Les fidèles sont « libres » de suivre leur gourou, « libres » de vivre selon leur foi, selon le destin qu’ils ont plus ou moins délibérément choisi. Difficile en effet de démontrer la perversité d’un groupe dont la vocation pourtant est de réduire toute libre pensée et d’assujettir l’individu à des règles collectives qu’il revendique bien souvent comme une libération – quitter la société, se débarrasser d’un quelconque mal-être, suivre une voie qui subjugue et une voix qui envoûte, vivre dans une nouvelle « famille » qui rassure et protège.

C’est ainsi que les sectes prolifèrent dans un monde qui doute, c’est ainsi qu’elles accaparent totalement un disciple, dévoué corps et âme, prêt à croire toutes les sornettes d’un beau parleur. Chaque secte, confidentielle ou multinationale, a ses approches, ses manigances, ses tentacules, son pouvoir maléfique et ses finalités – le plus souvent financières, parfois sexuelles, toujours au profit d’un gourou ou d’une organisation internationale. Car, au final, c’est le disciple qui paie le prix de son envoûtement.

Nos sociétés luttent contre les dérives sectaires avec les moyens du bord. Depuis plus de vingt ans, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) tente tant bien que mal de traquer les groupes suspects, les églises marginales, les associations conspirationnistes, quelques naturopathes, coachs du bien-être ou survivalistes, et autres influenceurs du Net. La déstabilisation mentale, des exigences financières élevées, la rupture avec l’environnement, des atteintes à l’intégrité physique, l’embrigadement des enfants ou un discours antisocial constituent, pour la Miviludes, les critères objectifs de la dérive sectaire. Mais, s’agissant d’entités spirituelles plus puissantes, des polémiques persistent depuis longtemps : comment définir l’Eglise de Scientologie ou les Témoins de Jéhovah, parfaitement admis dans de nombreux pays, militant ouvertement au coin de nos rues, et pourtant classés comme des sectes dans notre France laïque ?

Le mot « secte » est suffisamment péjoratif pour que chacun l’adapte à sa propre conscience. Des faits divers retentissants témoignent d’une réelle dangerosité – on se souvient du suicide collectif de 70 adeptes de l’ordre du Temple Solaire dans les années 1990. Mais il est d’autres suicides pervers et plus lents pour qui abandonne sa liberté critique et sa raison aux seules exigences de son « maître » ou de sa foi. Dénoncer en tous lieux l’idéologie de la « secte » est ainsi devenu un devoir de citoyen libre et responsable.