Marine Le Pen, une justiciable comme les autres

Oui, la condamnation de Marine Le Pen est un coup de tonnerre.
Et ce procès des assistants des eurodéputés du FN
fera date. Mais plus que les quatre ans de prison, dont deux
avec sursis, ce sont surtout ces cinq ans d’inéligibilité avec
exécution immédiate qui donnent toute l’ampleur à cette sanction. Car,
à ce stade, cette inéligibilité ne lui ferme rien d’autre que les portes de la
présidentielle de 2027.

Oui, le coup est rude. Depuis 2017, le RN, sous son impulsion, est devenu
un acteur majeur de notre vie politique. Finaliste en 2017 et en 2022
de l’élection présidentielle, il a franchi la barre des 30 % aux européennes
de juin dernier, poussé Emmanuel Macron à la dissolution et
atteint le nombre record de 123 députés à l’Assemblée nationale.
Mais ces succès électoraux ne sauraient constituer le moindre totem
d’impunité. Marine Le Pen est une justiciable comme les
autres. Et crier au complot, comme le fait le RN, est indigne.
En particulier de la part d’un parti qui ne cesse de dénoncer le
laxisme judiciaire. Ne lui en déplaise, la justice est indépendante.
Et son couperet est déjà tombé à droite, avec Nicolas Sarkozy et
François Fillon, comme à gauche avec Jérôme Cahuzac. Aussi, voir le
Kremlin voler au secours de Marine Le Pen, alors que le principal
opposant de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, est mort dans une prison
du cercle arctique après un simulacre de procès, devrait ouvrir les
yeux de tous ceux qui s’interrogent.

Toutefois, le plus inquiétant reste encore d’entendre ces attaques
contre la justice reprises par des partis dits de gouvernement. En particulier
des Républicains. Pour Laurent Wauquiez, il n’est « pas sain
qu’une élue soit interdite de se présenter à une élection. » Même François
Bayrou s’est dit « troublé ». En novembre dernier, Gérald Darmanin
et Jean-Luc Mélenchon s’étaient déjà inquiétés des lourdeurs des
réquisitions à l’encontre de Marine Le Pen.

En réalité, tous espéraient la retrouver au second tour de 2027, persuadés
de pouvoir l’emporter. C’est aussi leur scénario qui vient de s’effondrer
et avec lui, leur seule ambition : continuer à faire du RN l’idiot utile
de leur projet, sinon de notre démocratie. Ignorer les faits reprochés à
Marine Le Pen, alors qu’elle a eu toute latitude pour se défendre, ignorer
les arguments de la justice, ignorer la séparation des pouvoirs, c’est
aussi verser dans le populisme. À cet égard, le RN est loin d’avoir tout
perdu. Il a imprimé sa marque. Et au-delà du destin contrarié de sa
cheffe de file, ce n’est pas la plus petite de ses victoires.

                                             Éditorial Sud-Ouest Jefferson Desport