Dans Métropolia et Périphéria qui paraît chez Flammarion, le célèbre géographe troque l’essai pour la fable, pour sortir du langage de ce qu'il nomme la "fausse complexité". Dans un grand entretien à L’Express, il revient sur les leçons qu’il a tirées de ces dernières décennies, témoigne de ce qu’il a lui même pu voir ou endurer dans les milieux académiques et médiatiques – le "rayon paralysant" c’est-à-dire "l’utilisation de cinq lettres magiques, 'F-A-C-H-O', qui stoppe net les arguments du débatteur" –, décoche ses flèches envers la "bourgeoisie progressiste des métropoles", mais aussi, livre un surprenant message d’espoir.
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Christophe Guilluy : "La ZFE, c'est la bourgeoisie progressiste qui se citadellise"
Société. Dans un grand entretien à L’Express, le géographe revient sur la “bascule de l’Occident”, livre un témoignage personnel grinçant sur les milieux intellectuel et académique, et conclut par un message d’espoir.

"Tout ce qui rattachait la bourgeoisie d’hier au réel s’est peu à peu évaporé à partir des années 1980", analyse le géographe.
© Pascal Ito / Flammarion
L’Express : Dans votre fable, vous décrivez un meeting du "parti métropoliste" où, pour exalter les valeurs et le mode de vie urbains, la salle scande en chœur "On est chez nous !" Selon vous, les métropoles ne sont donc pas peuplées d’anywhere (les gens de partout) que décrit le Britannique David Goodhart par opposition aux somewhere (les gens de quelque part) ?
Christophe Guilluy : La grille de lecture de Goodhart est intéressante, mais il y a quelque chose qui me dérange avec cette catégorisation, c’est qu’elle donne une idée presque poétique, éthérée, de la bourgeoisie "progressiste" des métropoles. Comme si l’on avait affaire à des gens détachés. Or ils ne sont pas détachés de leur patrimoine ni de leur mode de vie. Comme les Rougon-Macquart hier, ils ne rigolent pas du tout avec le cours du mètre carré, ni avec les mobilités douces. Il y a bien un "On est chez nous" qui émane des grandes métropoles aujourd’hui ; un "On est chez nous" qui consiste à défendre mordicus le modèle qui bénéficie à leurs habitants, et à rejeter tout compromis qui tiendrait compte des intérêts et des aspirations du "reste de la société". La ZFE [NDLR : zone à faibles émissions] en est l’illustration parfaite : cette mesure ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit dans une mécanique de sécession, enclenchée dans les années 1980 qui a vu les élites, puis cette nouvelle bourgeoisie, se citadelliser. Aujourd’hui, par peur et par radicalité, on verrouille avant de demander, demain, l’indépendance, vous verrez… La ZFE, c’est le "On est chez nous" de la bourgeoisie
