3592- Bruno Jeudy. L’art de la survie 2 posts

L'édito de Bruno Jeudy. L’art de la survie

Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de « La Tribune Dimanche ».
 

Bruno Jeudy, directeur délégué de la rédaction

Retrouvez chaque semaine l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de « La Tribune Dimanche ».

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LTD/CYRILLE GEORGE JERUSALMI

 

« Comment peut-on être Père Cent ? » C'est par cette formule parodiquement détournée du célèbre roman de Montesquieu Lettres persanes que, ce dimanche, François Bayrou pourrait fêter ses cent jours à Matignon. Certes, la flamboyance et le lyrisme n'ont pas caractérisé le parcours du Premier ministre depuis sa nomination au forceps. Au panache d'Henri IV, le Béarnais a préféré la prudence du cavalier soucieux de ménager sa monture et d'éviter la chute.

L'ancien professeur de lettres classiques sait que la sobriété du verbe peut se révéler efficace et permet de se faire comprendre du plus grand nombre. Il applique ainsi le conseil de La Rochefoucauld pour qui « la véritable éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut et à ne dire que ce qu'il faut ». Même si beaucoup stigmatisent son style laborieux, un programme aux contours mal définis, voire un certain immobilisme, les faits donnent pour l'heure raison au centriste : le budget a été voté et il a échappé à la censure. Il a déjà fait mieux que son prédécesseur, le gaulliste Michel Barnier.

 

Pourtant, la méthode Bayrou déconcerte jusque dans son propre camp, comme en témoignent les critiques de plus en plus rudes d'Édouard Philippe. Ces deux-là ne se sont jamais vraiment entendus en plus de viser, l'un et l'autre, la présidentielle de 2027. En laissant une grande liberté à ses ministres, qui n'hésitent pas à étaler leurs états d'âme et à contredire leurs collègues, l'homme de Matignon s'expose à voir mises en cause son autorité et sa capacité à instaurer une discipline gouvernementale.

 
 

Plutôt que de caporaliser et de verser dans l'autoritarisme, il laisse rugir les lions pour mieux les dompter ! Le professeur Bayrou a compris que la réprimande des élèves turbulents n'a d'effet que si elle est ponctuelle et juste. D'ailleurs, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau agitent la menace de la démission comme un sabre de bois : quitte-t-on un ministère qui garantit visibilité et popularité ? N'est pas Jean-Pierre Chevènement qui veut.

 

Cependant, le Premier ministre, s'il réussit à prendre la mesure des poids lourds de son équipe, a tout à craindre de ceux qui n'en font pas partie. Laurent Wauquiez, en campagne pour la présidence des LR, mitraille de critiques de plus en plus vives l'action ou plutôt l'inaction gouvernementale.

 

Le silence de Gabriel Attal n'a rien non plus de rassurant car il est bruissant de reproches difficilement contenus... Avec Emmanuel Macron, les relations se sont normalisées : le chef du gouvernement se garde d'empiéter sur le domaine réservé du chef de l'État. À Matignon les affaires domestiques, à l'Élysée celles du monde !

Malgré une impopularité jamais vue depuis Édith Cresson, Bayrou peut prolonger son bail et rêver de faire mieux que les deux cent quarante jours d'Attal. Dans cette drôle d'époque caractérisée par la confusion et l'incertitude, il apparaît comme l'homme de la situation : un vieux briscard qui sait jouer de son ancrage provincial et de sa fine connaissance des cercles parisiens. En paysan de Paris, il laboure le champ politique en prenant soin d'éviter les engins explosifs laissés par ses adversaires politiques. À défaut d'épopée réformatrice, François Bayrou excelle dans l'art de la survie en politique.



23/03/2025
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