ÉDITORIAL. Arnaque au faux conseiller bancaire : protéger et former
Il n’y a plus d’espace sûr. Ni dans nos messageries, ni dans les applications de nos téléphones, ni même dans l’ombre rassurante de nos comptes bancaires. En 2023, plus de 104 000 plaintes pour escroqueries en ligne ont été enregistrées par la plateforme Thésée. Les faux conseillers bancaires – ces imposteurs qui usurpent la voix de votre vrai conseiller, un numéro, une posture d’autorité – ont détroussé en quelques clics des milliers de Français. Derrière des scénarios bien huilés, des centres d’appels criminels s’activent, des identités sont piratées, des voix synthétiques créées, des SMS vous piègent en vous parlant de colis à récupérer ou de carte vitale à renouveler. La technologie censée nous faciliter la vie est devenue leur alliée, notre quotidien leur champ de bataille.
Ces cyberarnaques sont devenues une économie du crime, industrialisée, professionnalisée, globalisée. En cinq ans, les atteintes numériques ont augmenté de 40 % en France. Chaque jour, 750 signalements sont faits sur Perceval pour des usages frauduleux de carte bancaire. Le rançongiciel se vend comme un service et des forums clandestins hébergent logiciels malveillants et données volées. La menace est devenue protéiforme, internationale et souvent hébergée à l’abri d’États complices.
Face à cette montée en puissance, l’État se réarme. Le 30 mai, le ministère de l’Intérieur a présenté une stratégie globale de lutte contre la cybercriminalité. Pilotée par le COMCYBER-MI, elle combine détection anticipée, renforcement des enquêtes, partenariats avec les plateformes numériques, et diplomatie de la cybersécurité. Cette stratégie qui mobilise aussi en région – en Occitanie Cyber’Occ s’est associé à la plateforme cybermalveillance – reconnaît que la cybercriminalité est à la fois un prolongement de la criminalité organisée traditionnelle et un terrain d’expérimentation pour de nouveaux prédateurs.
Mais aucune stratégie ne sera pleinement efficace sans une mobilisation citoyenne. Si l’on ne peut pas empêcher les cyberpirates de tenter de nous escroquer, on peut apprendre à déjouer leurs pièges, détecter leur mode opératoire derrière un courriel anodin ou une offre trop belle pour être vraie. Cet apprentissage participe d’une culture numérique que tous les Français n’ont pas encore acquise. Une culture faite de la connaissance des bons gestes et réflexes à avoir et d’une compréhension du fonctionnement d’Internet.
Si cela doit être appris dès l’école – car savoir utiliser TikTok ou Instagram ne suffit pas – , il faut aussi former les adultes. Alors que 13 millions de Français sont aujourd’hui éloignés du numérique, l’État et les collectivités territoriales ont mis en œuvre une stratégie nationale pour lutter contre cet illectronisme, notamment avec le recrutement de 4 000 « conseillers numériques » chargés d’accompagner les usagers. Dans une société de plus en plus numérisée, la cybersécurité ne peut être seulement une affaire de police. C’est un enjeu de société, d’égalité et de formation. Il faut s’y préparer.