Le texte entend compléter l’arsenal répressif contre le trafic de drogue et prévoit notamment la création d’un parquet spécialisé.
Une proposition de loi transpartisane pour lutter contre le narcotrafic en France arrive ce mardi en commission à l'Assemblée, où son examen devrait être plus mouvementé que lors de son adoption à l'unanimité au Sénat début février. Quelque 500 amendements ont été déposés par les députés et des voix s'élèvent pour dénoncer certaines mesures, jugées liberticides. Le texte entend compléter l'arsenal répressif contre le trafic de drogue et prévoit notamment la création d'un parquet spécialisé. Le trafic de stupéfiants a été érigé en priorité par les ministres de la Justice Gérald Darmanin et de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui seront auditionnés mardi par la commission des Lois.
Le garde des Sceaux consulte en parallèle une par une les forces politiques sur le sujet. «Cette loi est intéressante, elle est même nécessaire», a déclaré à l'AFP le député socialiste Roger Vicot, l'un des trois rapporteurs du texte. «Mais les quelques articles qui posent problème au regard des libertés fondamentales et individuelles, il faut y travailler et certains ne sont pas acceptables.» Principal point de crispation selon lui: un article qui imposerait aux plateformes de messagerie chiffrée (Signal, WhatsApp...) de permettre aux services de renseignement d'accéder aux correspondances des trafiquants.
Une création d’un parquet national anticriminalité organisée ?
Plusieurs groupes ont déposé des amendements pour le supprimer, dont des députés du groupe macroniste Ensemble pour la République. «Il est impossible de créer une porte dérobée réservée aux autorités sans ouvrir cette même faille à des acteurs malveillants», font-ils valoir. «Affaiblir le chiffrement ne pénaliserait pas seulement les criminels. Cela exposerait aussi nos citoyens, nos entreprises et nos infrastructures aux cyberattaques», a également mis en garde sur X la ministre chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, Clara Chappaz.
La proposition phare du texte consiste en la création d'un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco). Sur le modèle des parquets financier (PNF) et antiterroriste (Pnat). Il serait saisi des crimes les plus graves. Parmi les autres mesures: la fermeture administrative de commerces soupçonnés d'agir comme «blanchisseuses», la création d'une procédure «d'injonction pour richesse inexpliquée» pour obliger les suspects à s'expliquer sur leur train de vie, ou encore la possibilité pour les préfets de prononcer des «interdictions de paraître» sur les points de deal.
Autre disposition décriée, la création d'un «procès-verbal distinct», surnommé «dossier-coffre», pour ne pas divulguer certaines techniques d'enquête sensibles. Une mesure faisant craindre des atteintes au droit de la défense. Selon l'association La Quadrature du net, ce texte «dangereux» pour les libertés publiques «hisserait la France en tête des pays les plus avancés en matière de surveillance numérique». L'examen en commission devrait se poursuivre jusqu'à ce vendredi, avec une arrivée dans l'hémicycle prévue la semaine du 17 mars.