L'édito de Bruno Jeudy. Le pacte des loups
Bruno Jeudy, directeur délégué de la rédaction

Retrouvez chaque semaine l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de « La Tribune Dimanche ».
LTD/CYRILLE GEORGE JERUSALMI
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Vertigineuse scène diplomatique. Ce vendredi 28 février, la Maison-Blanche a été le théâtre d'un moment d'Histoire avec l'affrontement entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Un remake télévisuel de Règlements de comptes à O.K. Corral... Le leader américain s'identifiant à Burt Lancaster, le talent en moins. On connaissait l'impulsivité et la versatilité du président des États-Unis, mais personne ne pouvait imaginer qu'il prenne définitivement le parti de Poutine et procède avec son vice-président, J.D. Vance, à un véritable lynchage verbal du dirigeant ukrainien.
La diatribe de l'Américain a laissé pantois les leaders européens. « Je suis aligné sur le monde... Vous jouez avec la troisième guerre mondiale, avec la vie de millions de personnes. » Zelensky est désigné comme le quasi-responsable du conflit entre Ukraine et Russie, comme le potentiel déclencheur d'une guerre qui peut enflammer la planète entière. Le pyromane Trump voit en lui un boutefeu ! Les excès et les contrevérités de l'occupant du Bureau ovale pourraient l'assimiler au père Ubu, mais, ici, le théâtre ne prête pas à rire, car il est celui d'opérations militaires engageant la vie d'êtres humains, qu'il s'agisse de soldats ou de civils.
Déjà en début de semaine, les États-Unis, en votant à l'ONU avec la Russie pour refuser de condamner l'agression commise en Ukraine, avaient abandonné de facto leur place de chef du monde libre et celle d'allié des Européens. Et leurs prétentions démesurées sur les ressources minières ukrainiennes s'apparentent à un chantage aussi cynique qu'opportuniste. Là où les Ukrainiens attendaient donateurs et partenaires, ils ont découvert des usuriers et des prédateurs.
Désormais, face au lâchage américain, les Européens se retrouvent au pied du mur et la conférence réunie ce dimanche à Londres montrera (ou non) leur capacité à réagir et à se mobiliser pour sauver l'Ukraine. L'heure n'est plus aux vagues promesses et aux bonnes intentions mais à la mise en place effective d'une défense européenne sous l'égide de la France et de la Grande-Bretagne. Les premières déclarations du futur chancelier allemand, Friedrich Merz, laissent à penser qu'il sera un précieux soutien du binôme franco-anglais.
Si les Européens ne veulent pas disparaître de la scène internationale, ils se doivent de prendre conscience du moment historique que nous traversons. Dantzig en 1939, Kiev en 2025 : l'Histoire ne se répète pas mais propage d'inquiétants échos. En témoigne l'émoi du Premier ministre polonais, Donald Tusk, instruit par les drames vécus par son pays. Il serait terrible d'entériner le pacte des loups russe et américain scellant le sacrifice de l'Ukraine par le silence des agneaux européens.
N'en déplaise à La Fontaine et aux moralistes résignés, la fable n'est pas écrite à l'avance. La raison des plus forts - ou plutôt des plus fous - n'est pas toujours la meilleure si on leur oppose la cohésion, le courage et l'esprit de résistance.
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