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La fièvre acheteuse du « vendredi noir »
A moins d’un mois des fêtes de Noël, la course aux cadeaux est
lancée. Sage précaution pour éviter les embouteillages marchands
des derniers jours ? Sans doute. Mais sous l’influence
d’une mode importée il y a une quinzaine d’années des
États-Unis, une frénésie orientée s’empare des consommateurs en ce
« Black Friday » dont personne, à moins de vivre en ermite ou sur la
planète Mars, ne saurait ignorer l’existence.
Ne soyons pas naïf ni moralisateur : faire de bonnes affaires, ce jour ou
un autre, figure au credo de l’acheteur avisé. Surtout lorsque le coût de
la vie – on préfère parler de nos jours de pouvoir d’achat, ce qui en dit
long sur notre rapport à la consommation – oblige à des arbitrages
parfois douloureux. Jour de soldes annoncées « monstres », cet ultime
vendredi de novembre a bien des attraits pour toutes celles et ceux qui
trouvent la vie chère ou tirent carrément le diable par la queue.
Mais tout de même ! Comment ne pas être troublé par ce matraquage
tendant à nous faire croire que nous allons passer à côté de l’occasion
du siècle ? Peut-on vraiment être sûr que les prix « cassés » de tel aspirateur,
téléphone portable ou ordinateur – ces têtes de gondole de la
grande foire – n’ont pas été calculés sur des bases discutables?
Et quand bien même l’affaire serait alléchante, s’est on
demandé à quel besoin réel elle correspond ?
Faisons bien sûr crédit au consommateur de la pertinence
de son achat. Et ne le soupçonnons pas totalement
dupe des avances bruyantes et scintillantes des
grandes enseignes qui s’offrent ces campagnes publicitaires tous azimuts.
Mais dans le feu de l’action, s’est-il intéressé à l’envers du décor,
qu’il s’agisse des conditions de travail, de l’équilibre du tissu commercial
et des effets pervers sur l’environnement ?
Noire, cette période l’est assurément pour les employés des entrepôts
d’expédition exposés à des journées à rallonge. Elle l’est aussi pour les
magasins petits ou moyens incapables de s’aligner sur les promotions
des acteurs du commerce en ligne. Et si elle ne l’est pas pour les contrefacteurs
qui dissimulent leurs arnaques dans le ballet fou des livraisons,
combien de colis inutiles seront renvoyés à l’expéditeur ou finiront
à la poubelle ?
Clairement, ce « vendredi noir » illustre jusqu’à la caricature l’absurdité
d’une certaine société de consommation. Et il met à nu nos hésitations
à choisir entre le désir de posséder et le respect de la salutaire
injonction à consommer moins et mieux.
Éditorial Sud-Ouest Christophe Lucet