Apparemment, il n’y a pas photo. Entre Donald Trump et Emmanuel Macron, les dés sont pipés. Le premier, sûr de lui et dominateur, gonflé par son écrasante victoire électorale, assume sans trembler sa vision d’un monde où, seule, la brutalité fait bouger l’Histoire. Le second, contesté dans son propre pays, croit encore aux nuances et parle le langage d’un homme civilisé qui pense que la raison peut convaincre et contraindre les plus enragés. Entre les deux, une différence de ton, et une différence de muscles. A priori, le face-à-face entre les deux chefs d’État ne se joue pas à armes égales. Et pourtant, nous voulons croire aux arguments du Président français.
Alors que la guerre en Ukraine entre aujourd’hui dans sa troisième année, et que, malgré le courage de ses combattants et les efforts de l’Europe, les troupes russes campent toujours sur les territoires ukrainiens qu’elles ont conquis, nous ressentons le besoin de souffler et, si c’était possible, de faire taire les armes. Mais la paix ne se décrète pas par un claquement de doigts, il y faut des garanties concrètes, la certitude qu’elle ne sera pas une trêve de façade et que, connaissant les appétits impérialistes de Vladimir Poutine, il ne lui sera plus possible de reprendre un jour les armes – contre l’Ukraine bien sûr, mais aussi contre d’autres pays voisins.
C’est pourquoi l’Europe avance avec prudence. Elle est au premier chef concernée par cette guerre qui fait trembler notre vieux continent. Elle tient donc, aux côtés de l’Ukraine, à participer, le jour venu, à d’éventuelles négociations.
C’est tout le contraire du scénario engagé par Donald Trump pour qui la logique des empires doit s’imposer – celle des États-Unis et de la Russie. En acceptant le dialogue avec le seul Vladimir Poutine, en approuvant même une bonne part de ses prétentions tout en lâchant l’Ukraine et ses amis européens, le Président américain renie les engagements historiques de son pays et bouleverse le jeu des alliances. Comment l’Europe peut-elle accepter cette "loi des plus forts" et l’éventuel abandon du "parapluie américain" qui remettrait en cause sa propre sécurité ?
C’est donc la parole européenne que porte aujourd’hui Emmanuel Macron à Washington – une parole basée sur les valeurs démocratiques et le respect du droit international. Mais lui sera-t-il possible de se faire entendre ? Parviendra-t-il à faire comprendre que l’Europe et l’Ukraine ne sauraient être écartées de la moindre solution de paix, qu’il y va aussi des intérêts et de l’image des États-Unis sur la scène du monde ?
Mission, semble-t-il, impossible ! Les arguments de la raison et de la morale paraissent tellement éloignés des préoccupations d’un businessman comme Trump pour qui il faut toujours aller vite en affaires – surtout quand on veut faire accepter l’inacceptable.