EDITO. Salon de l’agriculture : la politique de la main tendue
Le Salon international de l’agriculture, c’est le passage obligé pour tous les présidents de la République depuis sa création en 1964. Tel Moïse fendant les eaux de la Mer Rouge, le locataire de l’Élysée trace son chemin à travers la foule des exposants avant de goûter, avec un enthousiasme plus ou moins feint, aux spécialités du terroir, de la charolaise au chabichou du Poitou.
Ce rendez-vous est à ce point fort de symboles que l’on peut presque mesurer l’intérêt porté au monde agricole selon le temps passé sur le site par le chef de l’État. Ainsi, à son inauguration, le général de Gaulle y était resté une heure. Son successeur Georges Pompidou ne lui avait pas accordé plus d’une demi-heure, à la différence de Valéry Giscard d’Estaing qui devait retrouver dans les allées chauffées au méthane comme un air de Chamalières. François Mitterrand, qui avait paradoxalement écrit La Paille et le grain, ne goûtait guère ce tumulte champêtre et n’avait jamais mis les pieds Porte de Versailles. Au contraire de Jacques Chirac qui en avait fait sa résidence secondaire – lorsque la maison ne brûlait pas encore. L’ancien maire de Paris ratissait le salon avec la mécanique d’une moissonneuse-batteuse et du cal dans les mains à force d’en serrer. Champion au jeu du « serrement de paumes », l’ancien maire de Paris s’était fait une spécialité de flatter le cul des vaches en même temps que l’électorat agricole.
Chirac avait marqué l’histoire du Salon, rendant la tâche difficile à ses successeurs. Ni Sarkozy, avec son célèbre « Casse-toi pov’con », ni Hollande, malgré sa bonhomie corrézienne et ses dix heures passées sur place, n’ont réussi à retisser un lien fort avec le monde paysan. Emmanuel Macron, qui n’a pas ménagé ses efforts pour explorer la campagne profonde, a poursuivi la politique de la main tendue. Il a même battu des records de temps passé dans les travées. Douze heures dès sa première année au pouvoir puis 14 heures un an plus tard, en 2019 : à défaut de faire sens, il fallait faire France. Un exercice périlleux pour le président de toutes les crises, qui dut écourter sa visite l’année dernière en pleine révolte agricole.
Cette année, les fourches ont semble-t-il été remisées et c’est une trêve bienvenue qui est promise au chef de l’État. Les élections professionnelles sont passées et les syndicats, qui jouaient la surenchère, prônent l’apaisement. Ils sont d’autant mieux disposés à le faire que la loi d’orientation agricole, qui avait été repoussée victime de la dissolution, est plutôt favorable aux agriculteurs malgré la pression des écologistes. Emmanuel Macron peut même espérer un soutien timide, à la veille d’affronter Donald Trump, l’ogre du protectionnisme.