Fumée blanche ou fumée noire ?
Le « conclave » sur les retraites qui s’ouvre le 27 février et mettra face à face durant trois mois les syndicats et le patronat, pourra-t-il vraiment se conclure par une fumée blanche ? Autrement dit, un accord sur notre système de retraites est-il possible alors que tout porte à croire qu’il s’agit là d’une mission impossible ? Impossible parce que s’opposent deux logiques irréconciliables, entre ceux qui exigent l’abrogation pure et simple de la réforme portant l’âge légal de départ à 64 ans et ceux qui ne veulent rien « détricoter », tout en demandant par ailleurs de nouveaux efforts aux salariés.
Entre la CGT et le Medef dont les postulats semblent irréductibles, on pourrait croire que la négociation va très vite tourner court. Et pourtant, jeudi prochain, tous vont s’asseoir autour d’une même table – ce qui entretient chez les plus optimistes comme une petite lueur d’espoir.
La vérité des chiffres est têtue. Le régime des retraites par répartition, basée sur la solidarité entre générations – et qui constituait assurément un progrès social dont la France s’est longtemps enorgueillie –, ce régime des retraites connaît au fil des ans un déficit chronique qui ne peut plus durer. Pas assez d’actifs pour des retraités toujours plus nombreux. Tout le monde s’accorde à reconnaître le déficit, mais chacun diverge dès qu’on en mesure l’ampleur. Jusqu’ici, le Premier ministre le chiffrait à 55 milliards d’euros dans dix ans. La Cour des comptes vient de le ramener hier à de plus justes proportions en estimant qu’il avoisinerait plutôt les 15 milliards. Autant dire que, s’il n’est pas aussi catastrophique que le prévoyait François Bayrou, il demeure cependant extrêmement préoccupant. Et on s’aperçoit surtout que la réforme de 2023, massivement rejetée par les Français, n’a déjà pas atteint son objectif de stabilité comptable.
Les solutions arithmétiques ne sont pas des recettes miracles : augmenter les contributions (patronales et salariales), ou alors baisser le montant des pensions, ce serait la porte ouverte à de nouvelles contestations sociales et quel parti voudrait en acquitter le prix électoral ? Serait-il alors possible d’« améliorer » la réforme – un peu, beaucoup, considérablement ? L’âge légal de départ, mais aussi l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, et surtout la prise en compte de la pénibilité au travail constituent les trois grands dossiers sur lesquels il est indispensable de débattre. Mais tous les partenaires en ont-ils vraiment le désir ?
La marge de manœuvre des syndicats est certes réduite, la pression financière va lourdement peser sur le débat, mais si, au bout de trois mois, le « conclave » s’achevait par une fumée noire, alors c’est le gouvernement Bayrou qui pourrait faire long feu…