L’ami imaginaire nouveau est arrivé ! Il se cache dans une intelligence artificielle, et on peut tout lui demander : comparer Shopenhauer et Cioran, délivrer la recette du véritable goulash, rappeler la liste des Rois Fainéants, comment déboucher les cabinets, et que faire quand on s’est enguirlandé avec son voisin. Cet interlocuteur est en train de débouler à la vitesse de la lumière, dans le quotidien de nos contemporains.

Et pas seulement pour une élite surfante et performante. Mais aussi pour l’étudiant qui potasse un dossier, le demandeur d’emploi qui veut rédiger un CV ou le commercial en panne d’arguments de vente. Le hic, c’est que certains sont en train d’offrir à cet ami imaginaire, une place démesurée. Il devient alors le confident, le réceptacle des secrets, voire le psychologue pour ne pas dire le confesseur. Aurions-nous à ce point besoin d’une conscience ? Chat Gepetto recherche Jiminy Cricket !

Pendant longtemps, elle nous a fait peur, l’intelligence artificielle. Au cinéma, elle s’incarnait dans les robots féroces de Terminator, qui n’avaient qu’une idée en tête : faire de la charpie avec l’humanité. Et nous avons tous en mémoire la voix suave et inquiétante de HAL, l’ordinateur de bord de "2001, Odyssée de l’espace", qui devient fou et meurtrier à la fin du film. Mais aujourd’hui, ce que l’on nous propose est une IA parfaitement apprivoisée, dont on s’est efforcé de gommer toutes les aspérités, pour ne surtout choquer personne, et ne pas subir les critiques. Et c’est justement ce grain de folie qui fera toujours défaut à l’intelligence artificielle. Et heureusement.

Est-ce qu’un jour, ChatGPT, DeepSeek ou Gemini seront capables de nous dire si elles préfèrent la crème brûlée ou le tiramisu ? Si elles se sentent attirées par les filles, les garçons, les blondes, les baraqués, les sérieuses, les joyeux, les fesses musclées ou les yeux verts ? Préfèrent-elles Van Gogh ou Vasarelli ? Mozart ou Taylor Swift ? Buller à la plage ou manger des glaces ?

Nous avons la chance d’être des animaux, avec les milliers d’informations charnelles, organiques, viscérales que nous ont laissé quelques millions d’années d’évolution. Cela nous procure ce que l’on appelle des émotions. Des enthousiasmes. Des dégoûts. Des pulsions. Des douleurs. Jamais une machine n’aura mal. Jamais une machine ne se mettra en colère. Ni ne tombera amoureuse.

Elles sont là, désormais, à nos côtés, les IA. Nous pouvons leur confier bien des tâches. Mais pas nos âmes. Sous peine de devenir nous-mêmes des robots. "La chaleur humaine fait référence à la capacité des individus à exprimer de l’empathie, de la compassion et de la bienveillance envers les autres." Et ça, c’est ChatGPT qui le dit, alors…

                    Dominique Delpiroux édito La DDM