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Droits de douane : ces secteurs qui rient, ceux qui pleurent et les autres qui attendent

L'aéronautique se réjouit de l'exemption obtenue dans l'accord entre les Etats-Unis et l'UE, tandis que les vins et spiritueux restent dans l'incertitude. Les laboratoires pharmaceutiques et l'énergie attendent aussi des clarifications.

Boeing et Airbus avaient plaidé à l'unisson pour s'en tenir à l'accord d'exonération des droits de douane existant depuis 1979.
Boeing et Airbus avaient plaidé à l'unisson pour s'en tenir à l'accord d'exonération des droits de douane existant depuis 1979. (Alain Robert/SIPA)

Par Paul TurbanVirginie Jacoberger-LavouéNicolas RaulineMatthieu QuiretAnne BauerFrank NiedercornDenis Fainsilber

Publié le 28 juil. 2025 à 13:31Mis à jour le 28 juil. 2025 à 19:15 LES ECHOS
 

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Un soulagement pour certaines filières et beaucoup d'incertitudes pour d'autres. L'accord conclu ce week-end par Bruxelles et Washington est loin de faire l'unanimité.

Le Premier ministre français François Bayrou a réagi aux 15 % obtenus de haute lutte par l'Europe en parlant de « soumission ». Les entreprises et le gouvernement feront un premier bilan ce mercredi au ministère de l'Economie. Eric Lombard va réunir les organisations patronales et les filières pour parler des impacts de ces droits et les négociations qui demeurent. Premier tour d'horizon des réactions des secteurs économiques.

· L'aéronautique, grand gagnant

Le secteur aéronautique est soulagé. Le Gifas (groupement des industries françaises de l'aéronautique et du spatial) salue une « décision d'exemption, fruit d'un important travail de dialogue transatlantique à tous les niveaux, qui sera bonne pour une industrie équilibrée entre la France et les Etats-Unis ».

De fait dans une industrie aéronautique civile dominée par deux grands acteurs des deux côtés de l'Atlantique, Boeing et Airbus, les acteurs industriels français et américains avaient plaidé à l'unisson auprès de l'administration américaine de s'en tenir à l'accord d'exonération des droits de douane qui existe depuis 1979, dans le cadre des aéronefs civils à l'OMC.

 

Des accords qui ont façonné un « écosystème transatlantique interdépendant avec des flux équilibrés dans les deux sens. L'objectif de la filière est de revenir à l'exonération, qui a bien réussi à l'aéronautique en Europe comme aux Etats-Unis », soulignait Guillaume Faury, PDG d'Airbus, lors d'une conférence de presse en mai dernier, pour qui « mettre des droits de douane en représailles n'a pas de sens et ne ferait, à court terme au moins, que des perdants des deux côtés ».

 

Et de fait, l'ancien patron du Gifas, qui a cédé son siège en juin dernier au directeur général de Safran, Olivier Andriès, avait davantage fustigé les taxes et surtaxes sur le secteur aérien du gouvernement que les droits de douane américains.

« En vingt ans, l'industrie a perdu 30 milliards d'euros du fait du poids des taxes. Nous sommes aujourd'hui le deuxième secteur le plus taxé en pourcentage et le plus taxé en absolu », dénonçait-il.

L'industrie aéronautique française a exporté 82 % de son chiffre d'affaires (51,2 milliards d'euros) en 2024 et l'application de droits de douane aurait été un cauchemar pour une industrie très intégrée comme en témoigne le moteur Leap de CFM International, filiale à parité de Safran en France et de General Electric aux Etats-Unis, qui équipe autant les Airbus A320 que les Boeing 737.

Outre les montants en jeu, les industriels redoutaient un casse-tête administratif infernal, dans un secteur où plus personne ne calculait de droits de douane depuis plus de quarante ans, alors que le besoin d'avions neufs est plus élevé que jamais.

· L'industrie laitière prend acte d'un accord « nécessaire »

« Les tarifs abusifs de 30 % dont nous menaçait Donald Trump auraient acté un très fort ralentissement de l'exportation de produits laitiers », a réagi François-Xavier Huard, PDG de la Fédération nationale de l'industrie laitière.

Les industriels laitiers exportent pour 350 millions d'euros par an vers les Etats-Unis, un marché qui a doublé en dix ans. « C'est là que nous faisons nos meilleures valorisations, notamment pour les fromages », explique François-Xavier Huard. « Nous avions intérêt à avoir un accord plutôt qu'une guerre commerciale, même si c'est un accord globalement en défaveur des Européens », conclut-il.

 

La plupart des grands groupes laitiers européens produisent localement ce qu'ils vendent aux Etats-Unis. Seule ombre au tableau : les AOP. « Nous sommes sur des produits du quotidien, vendus autour de 3 euros. Une hausse de 10 % est vite ressentie : les consommateurs connaissent les prix, les regardent et les challengent », expliquait récemment Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, aux « Echos ».

· Incertitudes pour les vins et spiritueux

Selon les informations transmises à la presse, aucune décision ne concerne les vins et les spiritueux dans le cadre de l'accord sur les droits de douane et les détails seront réglés dans les semaines à venir.

Toutefois, selon le ministre du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, les spiritueux devraient faire partie des denrées qui pourront continuer à circuler librement de part et d'autre de l'Atlantique.

Une très bonne nouvelle, si elle se confirme, pour un secteur durement affecté par les guerres commerciales et qui vient de trouver un accord avec la Chine. Les Etats-Unis sont le premier marché pour le secteur. Rémy Cointreau, qui misait encore il y a quelques jours sur des droits de douane de 30 %, estimait que cela pourrait lui coûter jusqu'à 35 millions d'euros cette année.

Sur la base des résultats trimestriels du groupe publiés la semaine dernière, les analystes de Jefferies estiment finalement qu'une taxation à 15 % « pourrait représenter une augmentation brute de 8 % des prévisions d'Ebit » pour le groupe. En cas d'absence de taxe, ils estimaient à 16 % cette révision à la hausse.

EN VIDEO : « Cet accord va nous rapprocher » : l'échange gênant entre Trump et von der Leyen

Le secteur de la viticulture, de son côté, ne semble pas faire pour l'heure partie des exemptions, même si la France promet de faire pression pour qu'il rejoigne la liste. Interrogé avant les annonces de Donald Trump, Samuel Montgermont, président de Vins & Société, estimait que « des taxes de 10 % seraient absorbables, mais au-delà, il faudrait augmenter les prix au consommateur ». Avec un risque de baisse de la consommation.

A Bordeaux, on espère pourtant que les vins français et européens feront partie de l'accord. « Pour l'instant on n'en sait rien, mais à l'heure où l'on se parle, il y a des discussions entre les ambassadeurs. J'espère que maintenant, il s'agit de modalités techniques et cela va finir par accoucher d'un texte », explique Philippe Tapie, président de Bordeaux Négoce.

· Le secteur de la beauté alerte sur sa compétitivité, le luxe soulagé

« Si cet accord met fin à l'incertitude, il fait peser une menace significative sur la compétitivité de l'industrie cosmétique française », déclare Emmanuel Guichard, délégué général de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA). Et de rappeler : « Les produits français jusqu'ici exonérés de droits de douane seront désormais taxés à hauteur de 15 % pour les exportations vers les Etats-Unis. » Un coup dur, le pays représentant le premier marché du secteur et12 % des exportations françaises.

A partir d'une étude du cabinet Asterès, la FEBEA estime que l'accord pourrait entraîner une perte annuelle de 300 millions d'euros et menacer jusqu'à 5.000 emplois en France. Les craintes se portent plus particulièrement sur les ETI et les PME, moins armées pour négocier sur les prix.



28/07/2025
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