Donald Trump affole même Wall Street

On savait Donald Trump féroce en affaires, agressif, imprévisible,
susceptible et rancunier en politique. Il est aussi un
insaisissable négociateur comme ces derniers jours l’ont
montré. Samedi, il confirme la hausse de 25 % des droits
douanes sur les importations venant du Canada et du Mexique. Quarante-
huit heures plus tard, il fait volte-face. Depuis lundi, ces mêmes
taxes, annoncées pourtant avec tambours, trompettes et poing sur la
table, sont suspendues pour un mois. Dans la légende trumpienne, les
ripostes douanières d’Ottawa et de Mexico n’égratignent bien entendu
pas ce récit du chevalier à la main de fer. Seuls surnagent leurs engagements
à sécuriser leurs frontières, comme l’exige le locataire du Bureau
ovale. Cependant, il n’est pas interdit d’observer son retournement à la
lueur d’un autre univers impitoyable : celui de Wall Street, le temple du
capitalisme. Avant d’être un politique, Donald Trump est d’abord un
businessman. Et le dollar son vert et unique cheval de bataille.

Or, dans la journée de lundi, ses différentes mesures de rétorsion
prises contre le Canada, le Mexique et la Chine, elle aussi dans le viseur,
ont provoqué d’intenses sueurs froides dans le monde hypersensible
de l’économie mondialisée. Les indices ont commencé à chuter.
Et seule l’annonce de la mise sur pause de ces droits de douane

a permis à la bourse de se redresser, sans toutefois l’empêcher

de clôturer à la baisse. Manifestement, les fusées de détresse

envoyées par la finance ont été vues jusque dans le ciel bleu
de la Maison-Blanche, où il est vrai que les milliardaires ont désormais
table ouverte. Et ce, dans des proportions encore jamais vues.

Toutefois, la réaction des marchés le prouve, les investisseurs n’aiment
toujours pas les coups de menton et l’instabilité qu’ils génèrent. Ce n’est
pas une nouveauté. Et s’il est encore trop tôt pour en tirer une conclusion
définitive, que Wall Street devienne un possible élément de régulation
du trumpisme, pour ne pas dire de contre-pouvoir, n’était pas sans
doute la perspective la plus facile à tracer.

Mais ne nous y trompons pas : la guerre commerciale que Donald
Trump a commencé à livrer à ses principaux partenaires, et l’Europe
est la prochaine sur la liste, va mettre le monde sous tension. Avec cet
effet boomerang presque assuré : elle n’épargnera pas les consommateurs
américains, à qui il a pourtant promis de rendre du pouvoir d’achat.

En attendant, qu’il bluffe ou non, la finance mondiale a elle
aussi sonné l’alarme. Et la voir en lanceuse d’alerte a tout d’un avis
de tempête.

                            Éditorial Sud-Ouest Jefferson Desport