3474-Il est temps d’écouter les chefs d’entreprise
Il y a deux différences au moins entre les petits et les grands patrons. La taille, bien sûr, aurait dit Monsieur de La Palice, mais aussi leur façon d’exprimer leur colère. Face aux obstacles bureaucratiques, aux embûches administratives, fiscales, sociales, face aux errements politiques, les petits s’expriment, râlent, manifestent même parfois. Ils se battent pour leur boîte et n’hésitent pas à se plaindre bruyamment lorsque le trop-plein est atteint. Les grands se battent aussi, bien sûr, mais ils ne manifestent pas. Ils se taisent, conscients d’être des cibles potentielles du bashing anti-patron, cette spécialité tellement française. Ils préfèrent donc le canal d’expression plus feutré que leur offrent les organisations patronales, le Medef et l’Afep, pour les plus grandes d’entre elles.
Faut-il que l’inquiétude et le ras-le-bol soient importants pour que, rompant avec leur prudence naturelle, de nombreux leaders du capitalisme français sortent de leur silence et disent tout le mal qu’ils pensent des dérives françaises et européennes en matière d’impôts et de taxes, de surréglementation et de normes. Faut-il que le décrochage de leur marché par rapport à la concurrence soit spectaculaire pour qu’ils osent se mettre en avant et interférer dans le débat politique. Leurs entreprises présentes partout dans le monde sont autant de capteurs de la gravité de la situation française. Il faut donc les croire.
Capitaines d’industrie, grands banquiers, géants des services, ils disent tous leur exaspération des zigzags du pays et leur crainte de son affaiblissement. Ils disent que les choix du gouvernement sont néfastes, dans un monde tellement compétitif. Ils disent, et c’est peut-être cela le plus grave à long terme, que leur confiance dans la capacité de la France à affronter l’avenir se dégrade. Il est temps de les écouter.