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Bernard Arnault et les sirènes trumpistes
Entre un nouvel atelier en Nouvelle-Aquitaine ou dans l’Oklahoma,
le coeur de Bernard Arnault balance. Car le Français,
PDG du numéro un mondial du luxe, est revenu séduit de son
voyage aux États-Unis de Trump qui, depuis le sommet de
Davos, déploient sous les pas des investisseurs étrangers un épais tapis
rouge de promesses fiscales.
Le patron de LVMH n’a pas besoin d’élever la voix pour qu’on l’écoute.
Sa charge contre le projet de surtaxation de 40 % de l’impôt sur les
sociétés destinée à financer le budget français pour 2025, accusé de
« pousser à la délocalisation », a été reçue cinq sur cinq et avec inquiétude
par le gouvernement. Sa porte-parole est montée au créneau
pour jurer que la mesure ne durerait qu’un an, mais le magnat du luxe
a répondu par avance qu’il n’en croyait rien.
Faut-il douter du patriotisme économique des champions français ? Il
s’avère en tout cas que les sirènes du duo Trump-Musk pour attirer de
l’activité outre-Atlantique par la carotte – des baisses d’impôts – mais
aussi par le bâton des droits de douane fonctionnent comme
un aimant sur toute l’Europe, qui hésite entre la soumission et
la résistance.
Craignant une guerre commerciale, menacés de déclassement
économique et technologique,
secoués par la concurrence chinoise et incertains quant à l’avenir du
soutien militaire américain, les Européens sont au pied du mur. Et s’ils
veulent éviter, en prime, de voir leurs entrepreneurs partir produire en
Amérique plutôt qu’ici, il n’y a plus une minute à perdre.
S’appuyant sur les rapports Draghi et Letta qui sonnent l’alerte sur le
décrochage européen, Ursula von der Leyen a dévoilé une « boussole
de compétitivité » afin d’offrir aux Européens désorientés un nouveau
cap. Les pistes, déjà connues, vont être activées, c’est promis ! Les
normes qui paralysent les entreprises vont être allégées, les coûts de
l’énergie vont baisser, le marché des capitaux va être unifié et l’émergence
de champions européens facilitée, les dépendances vont être
réduites.
Sera-ce suffisant pour rallumer les moteurs d’un Vieux Continent
enlisé dans ses illusions et ses divisions ? Il faut l’espérer car ce qui était
indispensable hier est devenu vital si les Vingt-Sept ne veulent pas être
dépecés. Le vertige n’est pas de découvrir que l’allié américain est un
rival économique – c’était vrai bien avant Trump – mais qu’il est un
nouveau rival stratégique. Les Européens doivent s’y résoudre et agir
sans peur en utilisant leurs atouts.
Christophe Lucet édito Sud-Ouest