Vingt-deux jours après la mort de son père, Jean-Marie Le Pen, est-ce que quelque chose a changé chez Marine Le Pen ? «Il est encore trop tôt pour le dire», confie la députée du Pas-de-Calais, lors d’une longue interview diffusée sur LCI mercredi. Une chose est sûre, ce décès l’a «fauchée», dit-elle. Mais pas au point d’en oublier ses ambitions.

Marine Le Pen dit maintenant avoir «hâte» d’être élue à la présidence de la République. Son arrivée au pouvoir, elle «s’y prépare», elle «y travaille». La date du 31 mars, le jour où elle saura si elle est condamnée à de l’inéligibilité avec exécution provisoire, ne l’effraie pas non plus. «Je ne vis pas avec l’idée que la présidentielle 2027 puisse m’être barrée. Je n’imagine pas que des magistrats décident de priver le peuple français de se choisir leur candidat à la présidentielle», réaffirme-t-elle. La députée Rassemblement national (RN) du Pas-de-Calais est enfin sortie de diète médiatique, et ses propos, très offensifs, vont ravir ses proches, chez qui pointait une forme d’appréhension depuis quelques jours.

Dissolution «inévitable»

Mais est-ce qu’une élection présidentielle pourrait arriver plus vite que prévu, avant 2027 ? Sur ce sujet, Marine Le Pen reste prudente. «Je ne demande pas la démission du président de la République, car la demander ne me paraît pas conforme à nos institutions. En revanche, je ne l’exclus pas», a-t-elle tenu à préciser. Elle a aussi réaffirmé l’architecture du duo qu’elle forme avec Jordan Bardella, le jeune président du RN. Rien n’a changé : à lui Matignon, à elle l’Élysée.

Sans surprise, la chef de file des députés RN a estimé qu’une dissolution à partir de juillet prochain est «inévitable». «Je pense qu’un pays comme la France ne peut pas indéfiniment ou pendant de très longs mois ou années vivre sans majorité», plaide-t-elle. Un vœu qui pourrait bien rester pieux si le premier ministre François Bayrou, en quête d’un accord avec le Parti socialiste, arrivait à passer l’épreuve des textes budgétaires dans les prochaines semaines.

Que fera le RN face au projet de loi de finance ? Le parti nationaliste envisage-t-il de voter une motion de censure ? Marine Le Pen, qui a aidé à renverser le gouvernement de Michel Barnier avec les voix des députés de gauche, est restée bien floue sur ces questions. «Tant qu’il n’y a pas la commission mixte paritaire qui s’est exprimée, on ne sait rien. On sait juste que ce budget ne réglera aucun des problèmes de la France, même pas le problème de la dette ou des déficits», dit-elle, sans indiquer dans quel sens tournera le vent, mais tout en répétant qu’il «n’en demeure pas moins que ce budget reste un très mauvais budget».

Retailleau, une menace ?

Marine Le Pen prévient tout de même François Bayrou que ce n’est pas toutes ses amabilités qui pourraient empêcher la députée du Pas-de-Calais de décider de voter une censure. Elle affirme ne pas avoir «de reconnaissance personnelle» à l’égard du premier ministre. «Je suis reconnaissante au personnage politique qui défend des principes», pointe-t-elle. Une manière pour celle qui entretient de bons rapports avec l’hôte de Matignon de prendre ses distances, et de laisser planer la menace d’une censure du RN.

Celui pour lequel elle a réservé ses attaques était le ministre Les Républicains (LR) de l’Intérieur, Bruno Retailleau. La «candidate naturelle» du RN à la prochaine présidentielle ne «croit pas du tout» que le nouvel homme fort de la droite au sein du gouvernement de François Bayrou soit attractif aux yeux des électeurs du RN. «Il dit plein de choses. Et quand est-ce qu’il fait ? Je voudrais que Monsieur Retailleau fasse beaucoup plus que ce qu’il fait», lance-t-elle. Avant d’asséner à plusieurs reprises : «Ça n’est pas suffisant ce que fait monsieur Retailleau».