Le scandale Rima Hassan

par Laurent Joffrin | publié le 24/01/2025

En refusant de voter un texte favorable à la libération de Boualem Sansal, la députée LFI signe son appartenance à la gauche identitaire, qui n’a de gauche que le nom.

Laurent Joffrin- Photo JOEL SAGET / AFP

Toujours cette admirable cohérence des activistes d’extrême-gauche… Rima Hassan, députée européenne LFI, se joint à la campagne pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, terroriste propalestinien condamné à perpétuité en France, mais vote contre un texte du Parlement européen exigeant la libération de Boualem Sansal, écrivain arbitrairement détenu par le régime algérien pour se simples délits d’opinion (selon la loi algérienne, qui viole en l’espèce les principes de la liberté d’expression). LFI défend sa députée avec un argument byzantin : le texte était soutenu aussi par l’extrême-droite, donc il ne fallait pas le voter. Pur sophisme. LFI n’a pas hésité à mélanger ses voix avec celles du RN pour renverser la gouvernement Barnier, mais s’il s’agit de défendre un écrivain, ce n’est plus possible ?

Ces positions totalement contradictoires ne gênent manifestement en rien la députée insoumise. On peut discuter du cas de Georges Ibrahim Abdallah, prisonnier en France puis quarante ans et libérable depuis 1999, que les gouvernements successifs ont toujours refusé d’élargir. Les uns arguent de la longueur de la peine et de l’âge du condamné, qui en font l’un des plus vieux terroristes détenus en Europe. Depuis des années, le PCF et les mouvements d’extrême-gauche mènent campagne pour sa libération. Mais d’autres font remarquer qu’Abdallah s’est rendu complice très actif de deux assassinats et que la Fraction Armée Révolutionnaire, l’organisation dont il était l’un des dirigeants, a commis une série d’attentats qui ont tué, entre autres, deux gardiens de la paix et fait exploser une bombe visant un diplomate israélien devant un lycée, blessant une cinquantaine de personnes. Le prisonnier n’a jamais exprimé le moindre regret et toujours justifié ses crimes, ce qui accrédite le risque de récidive soulevé par les autorités françaises. Mais si on tient ce débat pour légitime, que dire de Boualem Sansal ? Son cas ne souffre aucune discussion : l’écrivain n’a jamais tué personne ; il s’est contenté d’exprimer des opinions qui déplaisent à la dictature algérienne et son incarcération contredit le plus élémentaire droit des gens.

En fait, l’aberrante position de Rima Hassan illustre la différence – irréconciliable en l’occurrence – qui sépare la gauche universaliste de la gauche identitaire. La première s’efforce d’appliquer les mêmes critères de droit à tous les prisonniers, quelles que soient leurs opinions. La seconde estime qu’un terroriste qui défend une cause qu’elle approuve – en l’occurrence la cause palestinienne – doit être défendu, quels que soient les crimes qu’il a pu commettre en France, mais qu’un écrivain qui professe des idées qu’elle condamne doit rester en prison.

Tout en se prévalant officiellement du droit, qu’elle invoque à tout propos, Rima Hassan, dont l’appartenance à la gauche est une vaste supercherie, défend les siens avec une parfaite mauvaise foi, pour la seule raison qu’ils appartiennent au même camp et à la même culture qu’elle. Pro-Assad, comme Abdallah, solidaire du régime algérien, elle estime qu’il est beaucoup plus grave de soutenir des idées opposées aux siennes que de tuer cinq ou six personnes, dont certaines étaient parfaitement étrangères au conflit du Proche-Orient (les deux gardiens de la paix, notamment). Tel est le mot d’ordre de cette fanatique identitaire que l’absurde calcul électoral de LFI a promue au Parlement européen : libérer les terroristes, enfermer les écrivains.

Laurent Joffrin