DECRYPTAGE. Tensions entre socialistes et Insoumis : "L’avenir pour le PS n’est pas de rester sous la coupe de LFI", les raisons d’une rupture annoncée
En ne censurant pas le gouvernement de François Bayrou cette semaine, le PS a-t-il définitivement acté sa rupture avec LFI et donc la fin probable du NFP ? Éléments de réponse avec Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po.
Fini le temps de la Nupes, du NFP et des accords électoraux à gauche ? Ce jeudi 16 janvier, la décision du Parti socialiste de ne pas voter la motion de censure déposée par La France insoumise devrait marquer un tournant. Acte de responsabilité pour les uns, pure trahison pour les autres… Ce choix va-t-il entraîner une rupture officielle entre les deux partis et donc la fin du NFP tel qu’on le connaît ? Selon Jean-Luc Mélenchon, le NFP est "fracturé" et pour le politologue Luc Rouban, ce constat est une évidence et l’aboutissement logique de mois de tensions entre le PS et LFI. Et selon lui, les socialistes pourraient bien sortir gagnant du divorce. "Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de l’électorat macroniste vient du PS, ce sont des socio-démocrates qui n’apprécient pas particulièrement Jean-Luc Mélenchon, les dirigeants de LFI ainsi que leur comportement à l’Assemblée", explique le chercheur au CNRS.
L’alliance avec LFI s’apparente à un "raté"
Mais quelle place peut se faire le PS dans le paysage politique à l’avenir ? Peuvent-ils combler cet espace du centre-gauche entre les macronistes et les Insoumis ? "Oui", répond Luc Rouban qui rappelle que cet espace devait être pris après les dernières Européennes. "Si on revient quelques mois en arrière, on s’aperçoit que la liste de Glucksmann était arrivée largement en tête à gauche et devant celle de Manon Aubry", justifie-t-il. "Ils avaient quand même le vent en poupe avec 14 %". Le ralliement au NFP et l’alliance avec les Insoumis s’apparentent désormais plus à un "raté".
Un autre élément a précipité les choses : le chantage perpétuel de Jean-Luc Mélenchon qui affirmait clairement qu’un abandon du NFP serait synonyme de candidatures Insoumises dans les circonscriptions PS. "Cette alliance ne tenait finalement pas sur grand-chose. Quand on arrive à ce genre de menaces, c’est plus une alliance mafieuse qu’un véritable partenariat", ironise Luc Rouban. Ce type de manœuvres et le comportement des députés Insoumis à l’Assemblée ont provoqué le désamour de beaucoup de Français. "De nombreux sondages permettent de constater que le regard des Français sur LFI est extrêmement négatif", ajoute le politologue. Logiquement, "l’avenir pour le PS, n’est pas de rester sous la coupe de LFI mais de remplir l’espace du centre-gauche et d’élargir cette base lors du départ d’Emmanuel Macron en 2027". Selon lui, cet électorat existe et "un grand nombre d’électeurs PS, ou anciennement PS, pourraient revoter pour eux" une fois qu’ils auront coupé les ponts avec LFI.
La prise de conscience
Selon Luc Rouban, la décision du PS de ne pas censurer est aussi la conséquence "d’une certaine prise de conscience des difficultés économiques du pays". "Ils ont voulu être réalistes face à des enjeux beaucoup plus importants". Pour les socialistes, il s’agit de se poser en parti "qui travaille" comme l’a dit Olivier Faure. Ils travaillent pour les Français mais aussi pour leur crédibilité à terme. Le choix de le censure aurait été un "jeu dangereux" pour le PS. "La possibilité de se mettre les Français à dos devient trop grande", estime Luc Rouban. "Ils auraient pris le risque de passer pour des représentants politiques irresponsables en se rapprochant de l’image
insurrectionnelle des Insoumis qui déplaît aux Français". La stratégie choisie est celle du compromis : "Avancer petit pas par petit pas", tout en attendant la Présidentielle de 2027 où le PS aura une carte à jouer…