Suspendre ou ne pas suspendre, telle est la question… En vue de sa déclaration de politique générale ce mardi, François Bayrou devait poursuivre ses tractations jusqu’au dernier moment afin d’éviter la censure de la gauche sans perdre ses alliés de LR qui ont haussé le ton. Au cœur des discussions encore et toujours, la réforme des retraites. Le Premier ministre sait que chaque mot du discours qu’il prononcera devant les députés sera très attentivement écouté et décrypté par ses opposants (et ses alliés). Comme son prédécesseur Michel Barnier, le Béarnais marche sur une ligne de crête et le moindre faux pourrait le faire tomber du fauteuil de Matignon qu’il a tant voulu occuper. Pour rester en équilibre, le maire de Pau va donc devoir donner des signaux à la gauche tout en flattant l’aile droite de l’Assemblée. Un casse-tête auquel il a tenté de trouver les réponses depuis des semaines.

 

Selon l’un de ses proches à Politico, François Bayrou "donnera des gages aux uns et aux autres". A-t-il préparé un discours dont le contenu apaisera les tensions ? Face à lui, le patron des socialistes Olivier Faure attend de pied ferme les arbitrages après une semaine d’intenses discussions à Bercy. Des négociations qui servent de béquille à François Bayrou dans un exercice de gymnastique politique presque impossible. "Il veut être en état de discuter jusqu’au dernier moment", lâche l’un de ses conseillers. Quoi qu’il en soit, le contenu précis de son discours n’a que très peu fuité, voire pas du tout… Ordre aurait été intimé aux conseillers des ministres en première ligne "de se taire", selon l’un d’entre eux.

Budget et immigration

La réforme des retraites n’est pas le seul point brûlant de l’agenda de François Bayrou. Il y a aussi la question du budget : son positionnement pourrait "cristalliser les socialistes dans une opposition sèche", selon le politologue Benjamin Morel avec le risque de se "retrouver dans une configuration 'barniste'" qui serait un gouvernement de centre droit qui ne tient que grâce au RN. Et Bayrou va devoir maîtriser son dosage politique : "Si des gages suffisants sont envoyés aux socialistes, il faudra que ces gages ne fâchent pas trop la droite". En sachant toutefois que LR joue également gros : la survie de ses poids lourds au gouvernement tient en effet au maintien de François Bayrou à Matignon.

 

"C’est là qu’intervient la question de l’immigration", explique à La Dépêche Benjamin Morel. François Bayrou pourrait aborder ce thème brûlant pour satisfaire son aile droite, mais aussi "pour tenir la dragée haute au RN", selon le politologue. "Mais si vous parlez d’immigration, de facto, vous perdez les Verts et les communistes." Reste la question la plus importante : "Est-ce que vous perdez les socialistes ?", questionne l’expert. Réponse dans les prochaines heures.