Influenceurs algériens, gare à l’engrenage

Le torchon brûle entre Paris et Alger. Certes, ce n’est pas nouveau.
Depuis qu’Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté
du Maroc sur le Sahara occidental, le pouvoir algérien ne
décolère pas. Et le récent discours du locataire de l’Élysée
devant les ambassadeurs de France n’a fait qu’ajouter du sel sur les
plaies. Lundi, Emmanuel Macron a vivement dénoncé l’incarcération,
à Alger, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, affirmant qu’en
agissant ainsi l’Algérie entrait « dans une histoire qui la déshonore. »
Toutefois, si l’arrestation de l’écrivain confirme une dérive autoritaire
d’Alger, cette relation franco-algérienne, d’une intensité sans pareille,
exige autre chose que de reposer sur des charbons ardents. Bruno
Retailleau, le ministre de l’Intérieur, vient de le vérifier à ses dépens.
Alors qu’il avait ordonné l’expulsion d’un influenceur algérien ayant
appelé, dans une vidéo, à torturer un opposant au régime du
président Tebboune, l’Algérie a refusé de l’accueillir, obligeant
les policiers qui l’accompagnaient à le ramener à Paris.
Pour la France, ce camouflet est cinglant. Et fait la preuve de ses
difficultés à expulser les indésirables.

Pourtant, qu’ils soient algériens ou d’une tout autre nationalité,
ces influenceurs, qui déversent leur haine et leurs menaces de mort sur
les réseaux sociaux, n’ont pas leur place ici. Bruno Retailleau a beau
s’être engagé à mettre à exécution les fameuses OQTF, ces obligations à
quitter le territoire français, sur l’air du « vous allez voir ce que vous
allez voir », sans la coopération des pays d’origine, rien n’est possible.
Certes, si le ministre de l’Intérieur le plus à droite de ces dernières années
se casse lui aussi les dents sur ce sujet, on peut imaginer que cela
affaiblira aussi le discours d’une extrême droite jamais avare de solutions
toutes faites inspirées de l’infaillible et très sérieux « yakafokon ».
Or, rien n’est moins sûr. Et ce d’autant plus que deux autres influenceurs
algériens et une Franco-Algérienne ont aussi été arrêtés pour les
mêmes raisons : des propos haineux et des menaces contre des opposants
au régime algérien.

Si ces affaires doivent – a minima - nous alerter sur la nuisance de ces
réseaux sociaux, où n’importe qui peut proférer des menaces de mort,
où des puissances peuvent y développer leur propagande et des opérations
de déstabilisation à l’image de ce que fait Elon Musk en Allemagne
ou en Angleterre, il est urgent que Paris et Alger amorcent une désescalade
pour tarir ces appels à la haine. Car c’est un engrenage de ce type
qui a coûté la vie à Samuel Paty.

Éditorial Sud-Ouest
Jefferson Desport