Serait-ce le plus grand scandale politique de la Ve République ? Un ancien chef de l’État, Nicolas Sarkozy, et trois anciens ministres, Claude Guéant, Éric Woerth et Brice Hortefeux, vont devoir répondre devant la justice des accusations les plus graves dans un dossier politique : corruption, recel de détournement de fonds publics, association de malfaiteurs et financement illégal de campagne électorale. Nicolas Sarkozy a-t-il bénéficié de l’argent libyen pour financer sa campagne électorale de 2007? Il faudra quatre mois aux juges pour démêler l’écheveau de cette affaire tentaculaire, mêlant intermédiaires véreux, hommes politiques peu scrupuleux et dirigeants d’une dictature impitoyable.

Plus de quinze ans après les faits, de nombreuses zones d’ombre subsistent en raison de l’absence de certains protagonistes clés. À commencer par Mouammar Kadhafi, mort en 2011 après avoir été lynché par ses opposants ; mais aussi son ministre du Pétrole, Choukri Ghanem, retrouvé mort noyé dans le Danube en 2012 dans des conditions suspectes. Et que dire de Bachir Saleh, l’ancien grand argentier du colonel Kadhafi, exfiltré vers la France avant de disparaître à l’étranger dans des circonstances troubles… Le principal intermédiaire, Ziad Takieddine, sulfureux homme d’affaires lié à de multiples scandales politico-financiers, se cache actuellement au Liban.

Depuis le début de l’instruction, Nicolas Sarkozy et ses proches clament leur innocence, dénonçant ce qu’ils considèrent comme un complot politique. Il y a fort à parier qu’ils restent sur la même ligne de défense au cours du procès et que leurs explications demeurent évasives. Déjà, l’ancien président de la République, affaibli par des affaires judiciaires successives et sa condamnation récente dans l’affaire des écoutes, est frappé au fer du soupçon. Certains y verront peut-être une revanche posthume de Mouammar Kadhafi. Le fantôme du « Guide », comme il aimait se faire appeler, va hanter toutes les pièces du dossier, jusqu’aux recoins les plus sombres. Un ultime pied de nez du satrape de Syrte à la France.

Car le dictateur libyen, avant un bref retour dans le concert des nations au début des années 2000, a toujours entretenu avec notre pays des relations tumultueuses. En menaçant les intérêts français en Afrique et en soutenant le terrorisme international, Kadhafi était devenu l’homme à abattre. Et la France, essentiellement pendant les années Giscard, s’y est employée à plusieurs reprises. Toujours en vain… jusqu’à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. D’une certaine façon, le colonel Kadhafi se venge aujourd’hui du président qui a précipité sa chute.