Elon Musk, le génie qui peut devenir épouvantail

Le vice-président de Donald Trump s’appelle J. D. Vance. Dès
sa nomination, qu’il soit démocrate ou républicain, le numéro
2 de la démocratie américaine sait qu’il vivra dans
l’ombre de l’occupant du Bureau ovale et il doit s’en accommoder.
L’actuel titulaire du poste n’avait peut-être pas prévu qu’il
serait également éclipsé par le Crésus du siècle et même de l’Histoire,
Elon Musk et ses 439 milliards de dollars. Une somme abstraite
mais qui donne au patron de Tesla, SpaceX et de X (ex-Twitter)
un pouvoir bien concret. Celui d’agir, celui d’influencer, celui de
nuire aussi, et il ne s’en prive pas, lui qui n’a été élu par personne.
Le milliardaire XXXL a ainsi saboté un texte budgétaire approuvé
par les deux camps adverses du Congrès et il s’en est fallu de peu
que le pays connaisse un nouveau « shutdown » mettant des milliers
de fonctionnaires fédéraux au chômage. À noter, et ce n’est
pas anodin, Musk a dégainé le premier et Trump lui a emboîté
le pas.

Les plus optimistes misent sur un schisme entre les deux
hommes les plus puissants des États-Unis, inévitable selon eux
tant ils rivalisent de mégalomanie, de paranoïa et de soif du pouvoir.
Pure conjecture, car le futur président et celui qui a abreuvé sa
campagne à hauteur de 200 millions de dollars (une broutille pour
lui) s’entendent pour l’instant comme larrons en foire. Et Musk reste
en charge du démantèlement des instances fédérales promis par
celui qui prêtera serment le 20 janvier.

L’entrepreneur naturalisé ne veut d’ailleurs pas limiter sa domination
au seul territoire américain. Grâce à sa fortune stratosphérique
et à son réseau social dont il manipule les algorithmes à son avantage,
il a décidé de devenir le mécène de nombreux partis populistes
ou d’extrême droite européens, en Angleterre, en Italie et en
Allemagne. La France ne figure pas (encore) dans son viseur. Il n’est
pas exclu que Musk favoriserait Éric Zemmour plutôt que Marine
Le Pen, le fondateur de Reconquête ! partageant nombre de ses
idées ultralibérales,...
Rappelons que le propriétaire de Tesla se définit comme un libertarien.
Et le libertarien prône la plus vaste liberté possible tant qu’elle
sert ses propres intérêts, pas ceux des autres. Pour précieux qu’il
soit, l’argent de Musk suffit-il à remporter une élection ? En Europe,
il pourrait se transformer en épouvantail. Ce serait une bonne leçon
donnée à l’Amérique.

         Benoît Lasserre, larges extraits édito Sud-Ouest