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La Syrie entre délivrance et inquiétude
Damas s’est donc réveillée, ce dimanche, débarrassée de
Bachar al-Assad et de cette famille qui depuis un demi-siècle
règne sans partage et d’une main de fer sur la Syrie.
Dans la nuit, le tyran et ses proches ont piteusement pris la
fuite, laissant derrière eux un champ de ruines, un pays exsangue,
morcelé et supplicié, victime des purges, des arrestations, des exécutions
et de la paranoïa de ce dirigeant qui n’a hésité ni à tirer sur son
peuple, ni à le saigner.
Alors qu’on aurait pu le croire à l’abri de tout renversement, celui qui a
survécu à la vague des printemps arabes de 2011 a fini par céder, incapable
de ralentir l’inexorable progression des rebelles du Hayat Tahrir
al-Sham, cette faction islamiste issue de l’ancienne branche syrienne
d’Al-Qaïda. Si l’Histoire se souviendra que le régime des Assad est tombé
en une dizaine de jours seulement, elle retiendra aussi et surtout
que cette chute spectaculaire est d’abord celle des abandons et d’une
géopolitique impitoyable. Pourtant figure d’alliée indéfectible, la Russie
a lâché Bachar al-Assad. Et ce, malgré de nombreux points communs,
à commencer par celui d’emprisonner ses opposants pour
mieux les faire disparaître. Mort dans la colonie pénitentiaire de
l’Arctique russe en février, Alexeï Navalny aurait sans aucun doute
connu la même fin dans la sinistre la prison de Sednaya à Damas.
Mais, et c’est là l’un des enseignements de ces derniers jours,
la guerre que Vladimir Poutine mène en Ukraine l’a empêché
d’ouvrir un autre front. À cet égard, si la chute du régime
syrien est une mauvaise nouvelle pour le Kremlin, c’est parce
qu’elle est révélatrice de ses limites militaires. Quant aux deux autres
alliés du dictateur syrien, l’Iran et le Hezbollah libanais, eux aussi n’ont
rien pu faire. Trop affaiblis par la reprise du conflit israélo-palestinien,
ils viennent, comme Moscou, d’afficher leur faiblesse. Au coeur de la
poudrière syrienne où les intérêts internationaux et régionaux se
mêlent, nous venons d’assister à une redistribution majeure des cartes.
Mais, dans l’immédiat, il faut surtout souhaiter que le peuple syrien ne
passe pas, à la faveur de cette recomposition, d’un tyran à un autre. Car
le mouvement qui vient de précipiter la fin du régime de Bachar al-
Assad n’est pas l’émanation de forces démocratiques soucieuses de
rétablir un État de droit, mais bien celle d’un groupe d’islamistes radicaux
dont leur leader Abou Mohammad al-Jolani est avant tout un
fondamentaliste. Et, jusqu’à présent, la tolérance n’a jamais été la boussole
de l’islamisme radical.
Jefferson Desport éditorial Sud-Ouest