Pierre Fabre avait désigné Pierre-Yves Revol pour lui succéder à la tête de la Fondation Pierre Fabre devenu l’actionnaire principal des Laboratoires éponyme. Depuis 2013, il a veillé à ce que le développement des activités du groupe de 10 000 collaborateurs et qui va réaliser cette année plus de 3 milliards d’euros de chiffres d’affaires reste compatible avec son ancrage local. Après la communication du rapporteur public qui amène un doute sur la bonne réalisation de la fin du chantier de l’autoroute A 69 entre Castres et Toulouse, il a accepté de répondre à nos questions. Son propos "qui n’est pas polémique" est cependant clair : "Si l autoroute n’est pas finalisée le premier employeur du Tarn remettra en cause sa politique d’implantation locale".
Comment réagissez-vous à la recommandation du rapporteur public demandant l’annulation de l’autorisation environnementale du chantier de l’A 69 ?
Il ne m’appartient d’évoquer cette procédure devant le tribunal administratif dont je ne connais pas le contenu précis. Je ne suis pas qualifié pour le faire et c’est l’État et ses représentants qui sont concernés. Par contre je peux parler des effets qu’une décision d’annulation du projet d’autoroute peut avoir sur le comportement d’un acteur économique important du territoire : le groupe Pierre Fabre.
Comment réagiriez-vous si une telle décision était prise ?
J’ai du mal à concevoir que ce projet, déjà largement engagé et il suffit d’emprunter la N126 régulièrement pour le constater, soit suspendu ou annulé. Cependant, si tel était le cas il est certain que cela amènerait le groupe à modifier sa stratégie concernant l’implantation et le développement de ses sites du Tarn. Cela ne surprendra personne. J’ai déjà sensibilisé tous les décideurs dans le passé au fait que l’autoroute conditionnait le maintien et l’accroissement de nos investissements locaux. Nous sommes ancrés ici, nous nous sommes battus pour y rester mais nous ne pouvons continuer éternellement à surmonter les difficultés liées à l’enclavement si aucun effort n’est fait pour ce territoire.
Mais remettre en cause votre stratégie d’implantation locale reviendrait à renier l’histoire de votre groupe ?
Premièrement avant d’avoir l’assurance de la réalisation de l’autoroute, le fondateur du groupe avait déjà pris des décisions concernant l’implantation du nouveau siège des activités cosmétiques à Lavaur à proximité de l’autoroute A68 plutôt qu’à Castres et le transfert de l’ensemble de la recherche du groupe de Castres vers l’Oncopole à Toulouse. Ensuite ce n’est que parce qu’il a eu, avant son décès, la conviction que l’autoroute allait enfin se réaliser qu’il nous a laissés pour directive de préserver et développer les implantations du Tarn dans toute la mesure du possible.
Depuis 2013 nous nous y sommes employés et chacun a pu constater nos efforts pour le sud du Tarn à tel point que nous y construisons un nouveau bâtiment ultramoderne de 10 000 m2 à Castres qui devrait rassembler plus de 600 collaborateurs. Mais comme sans doute beaucoup d’autres entreprises locales il ne faut pas nous demander l’impossible.
Pourquoi l’autoroute est si importante pour vous ?
Nous voulons que nos collaborateurs se déplacent en toute sécurité, nous souhaitons qu’ils soient connectés dans des conditions décentes aux liaisons aériennes internationales. Nous ne pourrons plus infliger des trajets longue durée à tous nos partenaires et fournisseurs, nous ne pourrons plus demander à tous nos cadres, qui souvent viennent de la région parisienne, de rester coupé de la métropole régionale. Bref nous ne pourrons accepter de supporter tous les inconvénients et accessoirement les surcoûts de l’enclavement. Nous remettrons en cause notre développement local au profit de zones plus urbaines et mieux desservies.
L’entreprise n’aura aucune leçon à recevoir en matière d’aménagement du territoire lorsque, si ce projet d’autoroute était abandonné, elle se déportera vers d’autres grands centres urbains. Elle constatera simplement que dans ce pays, la France des territoires est beaucoup moins bien prise en compte que celle des métropoles et s’adaptera à regret à cette réalité.