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Budget 2025 : Michel Barnier lâche sur l'électricité pour tenter d'éviter la censure du RN
De plus en plus sous pression face à la menace de censure du Rassemblement national, qui voterait la motion déposée par la gauche, le Premier ministre a renoncé à augmenter dans le budget 2025 les taxes sur l'électricité. Le RN s'est satisfait de cette victoire, mais il exige davantage.
Par Grégoire Poussielgue Lzs Echos
Tout lâcher pour éviter une censure ? La pression du Rassemblement national (RN) est devenue tellement forte que Michel Barnier n'a eu d'autre choix que de faire une concession importante au parti de Jordan Bardella et de Marine Le Pen.
Dans une interview diffusée par « Le Figaro », le Premier ministre a annoncé qu'il renonçait aux hausses de taxe sur l'électricité, une des demandes principales du RN. « [Cela] permettra une baisse des prix de l'électricité de 14 %, qui ira donc bien au-delà de la baisse de 9 % prévue initialement », indique le Premier ministre. La mesure a un coût de près de 3 milliards d'euros, rendant l'objectif global de déficit du budget 2025 encore plus difficile à atteindre.
Marquer les esprits
La non-censure a un coût qui reste, aux yeux de l'exécutif, moins élevé que celui de la censure. Dans ce même entretien, Michel Barnier met, une nouvelle fois, en garde contre une censure de son gouvernement et l'absence de budget pour le pays. Pour marquer les esprits et mettre en garde le RN sur les conséquences de son potentiel vote, il dresse un long panorama d'un pays sans lois de finances, une première sous la Ve République.
« Il y aurait des conséquences mécaniques et immédiates, qui pénaliseraient tous les Français. Par exemple, l'impôt sur le revenu des Français qui travaillent et des retraités augmenterait de plus de 3 milliards. Des Français modestes se retrouveraient du jour au lendemain imposables. Des mesures pour les retraites agricoles, pour les éleveurs, pour l'installation des agriculteurs tomberaient. Nous ne pourrions pas recruter des policiers et magistrats et nous ne pourrions pas avoir les moyens supplémentaires prévus pour la sécurité des Français. Les mesures pour le logement seraient remises en cause. Notre défense serait également concernée avec l'impossibilité de procéder à des commandes publiques pour nos armées », liste le locataire de Matignon.
Barnier au pied du mur
A peine trois mois après son arrivée à Matignon, Michel Barnier se sait au pied du mur. La pression monte inexorablement, dans la dernière ligne droite avant le dépôt de la motion de censure de la gauche sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
L'accord trouvé en commission mixte paritaire (CMP) ouvre en effet la voie à un 49.3 du gouvernement qui sera annoncé « probablement » lundi, et à la motion de censure que le Nouveau Front populaire (NFP) a promis de déposer depuis plusieurs semaines. Toutes les composantes du NFP voteront d'une même voix, socialistes y compris malgré les efforts du gouvernement pour détacher le parti à la rose de l'alliance de gauche.
Tout va crescendo, tandis que les marchés expriment ouvertement leurs inquiétudes. A la suite de son entretien avec Michel Barnier lundi dernier, Marine Le Pen avait déclaré que ses députés n'hésiteraient pas à voter la censure si le budget restait « en l'état ». Mardi soir, sur TF1, Michel Barnier avait réalisé une toute petite ouverture en déclarant qu'il allait voir s'il était possible d'en faire un peu plus sur le prix de l'électricité, sans prendre d'engagement ferme. Il s'est finalement dévoilé ce jeudi. « Michel Barnier avance lentement », glisse un conseiller, pour qui les négociations sont loin d'être terminées avec le RN.
« D'autres lignes rouges demeurent », dit Bardella
« Chacun prendra ses responsabilités. Je prends les miennes et ensuite chacun devra prendre les siennes », a lâché le Premier ministre lors du salon des PME, où il était en visite. Le RN a pris acte, avec satisfaction, de l'avancée de Michel Barnier. Quelques minutes avant l'annonce, le parti à la flamme avait dressé une longue liste de courses pour qu'il ne vote pas la censure, allant des prix de l'électricité au déremboursement des médicaments en passant par l'indexation des retraites. Il a obtenu gain de cause sur l'électricité, mais ne donne pas pour autant quitus à Michel Barnier. La censure reste donc possible.
Si Michel Barnier fait, dans « Le Figaro », quelques avancées sur l'aide médicale d'Etat (AME), dont il promet de réduire le panier de soins, ou la proportionnelle (certes avec prudence), il ne dit mot sur une autre demande forte, et historique, du RN : la baisse de la contribution de la France au budget de l'Union européenne. Impossible, évidemment, d'y répondre favorablement pour le Premier ministre.
Plus que jamais, le RN maintient la pression et l'incertitude sur son vote. « Nous ne pouvons en rester là. D'autres lignes rouges demeurent », a déclaré sur X Jordan Bardella, le président du parti, avant d'afficher de nouvelles demandes. « Le RN est un parti versatile », rappelle un parlementaire, qui cite l'exemple de la loi immigration l'année dernière. A la dernière minute, après avoir pourtant annoncé qu'il s'abstiendrait, le RN avait finalement décidé de voter en faveur de la loi, ce qui avait mis le gouvernement dans l'embarras
Surtout, le président du RN donne « quelques jours » au Premier ministre pour accéder à ses demandes, laissant entendre que c'est tout ou rien sur ses revendications. « Les négociations vont continuer jusqu'à la veille du débat sur la motion de censure », estime-t-on dans un ministère. « Le gouvernement a trois jours pour revoir sa copie et présenter un budget de la Sécurité sociale 2025 sans hausse de charges pour les entreprises et sans déremboursement des médicaments », a estimé la députée RN Laure Lavalette. Comme si Michel Barnier avait un pistolet sur la tempe.
Grégoire Poussielgue