3315-Avec ce Mercosur ,plus rien n’est vraiment sûr
Avec ce Mercosur ,plus rien n’est vraiment sûr
Il faudra se souvenir que, le 19 novembre 2024, Mathilde Panot,
la cheffe de file des députés LFI, a félicité l’exécutif. Michel Barnier,
comme Emmanuel Macron, a en effet souhaité que l’Assemblée
nationale s’empare de la corrosive question de l’accord avec
le Mercosur, ce traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE)
et plusieurs pays d’Amérique latine. Il est vrai que ce sont les Insoumis
qui avaient exigé un débat suivi d’un vote.
Si vote il y a, foin de 49.3, une écrasante majorité du Palais-Bourbon
refusera la signature de cet accord, macronistes inclus, alors que leur
logiciel libéral n’est pourtant pas l’ennemi farouche de la
mondialisation. Avant de prendre son bâton de pèlerin
pour stigmatiser le texte, le chef de l’État lui-même en était l’avocat,
jusqu’au G7 de Biarritz en août 2019, quand les injonctions
climatosceptiques et favorables à la déforestation
amazonienne du surexcité président brésilien de
l’époque, Jair Bolsonaro, l’avaient fait changer d’avis.
Le consensus français anti-Mercosur, de bon aloi quand les agriculteurs
manifestent de nouveau leur colère, ne suffira évidemment pas
à empêcher l’adoption du traité, bien qu’Emmanuel Macron, éloigné
à l’insu de son plein gré de la vie politique intérieure, espère redorer
son blason grâce à son domaine diplomatique, un pari risqué.
Les agriculteurs européens s’affichent unanimes contre le Mercosur,
qui ne part cependant pas de zéro puisque l’Argentine et le Brésil
inondent déjà le monde, donc l’Europe, de leur soja destiné à l’alimentation
animale. Les gouvernements de l’UE sont en revanche plus
divisés, y compris en interne. Exemple en Italie, où le ministre
de l’Agriculture est hostile au traité (on comprend pourquoi) tandis
que son collègue des Affaires étrangères plaide en sa faveur. À l’instar
de sa compatriote von der Leyen, présidente de la Commission, le
chancelier allemand Olaf Scholz, assis sur un siège éjectable, réclame
une signature rapide bien que les paysans d’outre-Rhin défilent dans
la rue.
Au-delà de son versant commercial et agricole, certes primordial,
le débat bruxellois autour de l’accord avec le Mercosur peut avoir des
effets géopolitiques d’une immense ampleur. Donald Trump et ses
équipiers scrutent forcément le « Vieux » Continent et se régalent.
Le futur président américain aura toute latitude de choisir les pays
plus ou moins déstabilisés par des barrières douanières, et la fragile
unité européenne se disloquera tel un fruit trop mûr.
Benoît Lasserre édito Sud-Ouest