3310- La montée des périls 4 posts
Agriculteurs, cheminots, censure : la montée des périls
Pas de trêve pour les grèves. En 2008, Nicolas Sarkozy déclarait que « désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s'en aperçoit ». Quel Français n'a pas eu l'occasion de mesurer le caractère téméraire de cette assertion en étant confronté à l'annulation d'un vol à Roissy, d'un trajet en TGV ou à la fermeture d'une école ? La « gréviculture » que stigmatisait Gabriel Attal dès 2018 réapparaît en cet automne de tous les mécontentements avec l'annonce par les syndicats de cheminots d'une journée d'action vendredi en guise d'échauffement pour une grève renouvelable à partir du 11 décembre. Le fatalisme le dispute à l'amertume chez nos compatriotes, victimes de l'inflation, menacés de plans sociaux et invités à contribuer au redressement des comptes de la nation.
Le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, conscient de l'impact dévastateur d'un mouvement qui pourrait gâcher les vacances de Noël de milliers de Français, en appelle au sens des responsabilités de ses troupes, qui avaient respecté cet été la trêve olympique. Il est vrai qu'elle avait été obtenue au prix d'un régime particulièrement favorable de cession progressive d'activité octroyé aux cheminots. Déterminé à éviter une grève durable, leur patron a du pain sur la planche dans une entreprise où, depuis 1947, il n'y a pas eu une année sans grève.
Ainsi la France renoue-t-elle avec ses vieux démons : l'incapacité à anticiper les crises, le refus du changement et des évolutions, une préférence masochiste pour le conflit au détriment de la concertation. Françoise Giroud, dans son ouvrage La Rumeur du monde, paru en 1999, faisait déjà ce constat : « C'est un drôle de pays, la France, où les négociations ont toujours lieu après le déclenchement des grèves et non avant. »
La mobilisation demain des agriculteurs, et des fonctionnaires le 5 décembre, illustre parfaitement ce phénomène. Que peut faire Michel Barnier face à cette contagion de la contestation ? Pas grand-chose si ce n'est déplorer l'irresponsabilité de certaines revendications et manifester sa solidarité avec les paysans qui s'insurgent contre le traité UE-Mercosur. Confronté à cette montée des périls, le champion de la négociation leur promet : « Je ferai tout ce que je pourrai. » Sa sincérité n'est pas en cause, mais ça sent davantage la méthode Coué que la gagne.
Quant aux fonctionnaires prêts à poser le stylo, ils n'apprécient pas la politique de « débureaucratisation à tous les étages » qu'entend lancer leur nouveau ministre. Il est vrai que le macroniste Guillaume Kasbarian est hardi. Ses chaleureuses félicitations adressées à Elon Musk, avec qui il espère partager son souci de l'efficacité gouvernementale, ont choqué partis de gauche et syndicats. Leur réaction laisse à penser que les moulins à vent de la contestation se dresseront vite sur la route de ce don Quichotte de la réforme oublieux de ce que disait Georges Clemenceau : « La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. »