Face à un Donald Trump qui « déteste l'Union européenne », les Vingt-Sept devront plus que jamais faire preuve d'unité, et renforcer leur collaboration dans certains secteurs comme la défense, analyse Sébastien Maillard.

Comment les Européens vont-ils réagir à la victoire de Donald Trump ?

C'est un bon signe qu'Emmanuel Macron et Olaf Scholz aient réagi ensemble dès mercredi matin, car le risque principal pour l'Union européenne est celui de la division face à la nouvelle donne à Washington . Hormis Viktor Orban en Hongrie et peut-être Robert Fico en Slovaquie, la grande majorité des dirigeants des Vingt-Sept ne souhaitait pas la victoire de Trump, car ils savent qu'il sera un partenaire difficile.

Son retour à la Maison-Blanche peut servir d'électrochoc pour l'Union européenne en nous obligeant à nous montrer toujours plus unis et fermes, sans nous faire d'illusions sur la relation transatlantique qui sera beaucoup plus dure. La nouvelle Commission européenne doit se mettre au travail dès le mois prochain, il ne peut y avoir aucun flottement.

L'avantage, par rapport à la première élection de Trump en 2016, c'est qu'on sait qui il est, qu'il faut prendre ses intentions au sérieux. La relation entre l'Europe et les Etats-Unis ne peut être que transactionnelle et méfiante désormais. Trump ne fera aucun cadeau aux Européens, il déteste l'Union européenne. On sait déjà qu'il veut augmenter des tarifs douaniers sur les importations venues d'Europe et que les tarifs imposés à la Chine nous seront préjudiciables.

Que peuvent faire les Vingt-Sept concrètement ?

La réponse est dans les rapports de Mario Draghi et Enrico Letta publiés cette année : nous devons nous réarmer, sur le plan industriel et technologique, nous financer par l'union des marchés de capitaux notamment. De même que nous avons su atténuer nos vulnérabilités lors de la pandémie de Covid, de même que nous avons réussi à nous passer du gaz russe après l'invasion de l'Ukraine, nous devons compter sur nous-mêmes. En particulier pour notre défense.

Car les Etats-Unis risquent de ne plus être là pour nous défendre contre la Russie, en tout cas pas autant qu'aujourd'hui. C'est pourquoi certains Etats comme la France poussent pour un financement commun de la stratégie de défense européenne. Il faut beaucoup plus de coordination et d'interopérabilité militaires.

La notion d'Occident est en train de s'étioler. Dans un monde plus multipolaire, il y aura davantage l'Europe d'un côté, les Etats-Unis de l'autre, avec qui nous n'avons pas toujours les mêmes intérêts, ni les mêmes valeurs.

Sur qui peuvent compter Macron et Scholz en Europe pour tenir cette unité ?

Avant l'unité à tout prix, il faut du leadership qui entraîne. Ils doivent compter sur d'autres alliés car ils sont trop politiquement affaiblis actuellement. D'abord sur Donald Tusk, le Premier ministre polonais, dont le pays va assurer la présidence européenne au 1er janvier. La Pologne a changé. Le pays est profondément euro atlantiste et conserve une relation particulière avec les Etats-Unis, mais il sait qu'il doit compter sur ses propres forces depuis le début de la guerre en Ukraine. Les dépenses de défense ont fortement augmenté en Pologne, de même que dans les pays Baltes. Cela profite largement à l'industrie d'armement américaine et le grand enjeu sera de rééquilibrer cela en Européens, au risque sinon de ne pas pouvoir agir seuls quand il le faudra.

Quant à Giorgia Meloni, son rôle face aux Etats-Unis est difficile à prévoir. De par sa proximité politique avec Trump, la Première ministre pourrait se poser en interlocutrice privilégiée de Washington pour l'Union européenne, mais est-ce que Trump la respecte vraiment ?

Son retour au pouvoir interroge par ailleurs aussi le Royaume-Uni et pourrait donner au rapprochement avec Londres, qui ambitionne un pacte de défense et de sécurité avec l'UE, une nouvelle pertinence.