3277-Crémation, inhumation : Des questions nouvelles

Crémation, inhumation :« Des questions nouvelles et aiguës »


Dans son ouvrage « Métamorphoses françaises », le politologue Jérôme Fourquet décrypte les changements de notre pays, notamment notre rapport aux obsèques

 

 

 

Dans « Métamorphoses françaises », tout juste paru au Seuil, le politologue Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion à l’Ifop, dresse un portrait passionnant et détaillé de la France de 2024 sous la forme d’un roman graphique.Peu de textes, de
nombreuses infographies,images.Une «bible»pour qui s’intéresse aux transformations

de la société. Il évoque notamment notre rapport aux rites.

 

Que nous apprend l’évolution des rites funéraires sur la société française?


Elle constitue un symptôme saisissant de l’ampleur de la vitesse des métamorphoses

françaises. Le fait majeur, c’est la banalisation de la crémation. En 1980, 1 % de la population faisait ce choix. Ce chiffre dépasse aujourd’hui les 40 %. On a vu le surgissement spectaculaire, en deux générations, d’une pratique qui était totalement marginale il y a quarante ans. Un changement aussi rapide sur une question aussi importante, d’un point de vue anthropologique, après des siècles de stabilité, dit bien l’accélération des transformations de la société française depuis un demi siècle.


Comment expliquez-vous cette progression
de la crémation ?
Je la lie évidemment à l’effondrement de la matrice catholique. Longtemps, l’église a encadré les rites funéraires. Même ceux dont la sensibilité était éloignée du catholicisme se pliaient à cette norme de l’inhumation au cimetière. Dans le sillage de Vatican II, en 1963, l’Église a autorisé la crémation. La norme catholique en matière d’obsèques a toutefois prévalu jusqu’à récemment.Mais parallèlement, la

déchristianisation de la société française s’est accélérée. Aujourd’hui, seuls 5 % des Français se disent catholiques pratiquants…La seconde grande tendance qui explique le changement de nos pratiques funéraires, c’est ce que j’appelle « le grand
déménagement ».


Qu’entendez-vous par cette expression?


La trajectoire de vie des Français est de plus en plus marquée par la mobilité
géographique, au gré de la poursuite d’études supérieures, de choix familiaux,

conjugaux, de changements professionnels… Si bien qu’on décède de moins en moins dans le département où on est nés. Aujourd’hui se pose pour beaucoup d’entre nous, de manière aiguë, une question qui n’effleurait pas nos grands parents : où se faire enterrer ? Faut-il rejoindre le caveau familial, lieu symbolique où repose la lignée,

donc revenir dans un terroir où l’on ne vit plus ? Ou se faire enterrer là où on finit
ses jours ? Ou encore là où vivent les enfants, qui pourront prendre soin de la sépulture ?


Ce qui paraît nouveau aussi, c’est d’arbitrer, pour ses obsèques, entre
plusieurs options…


J’y vois le signe de l’autonomisation des individus, qui ne veulent plus se faire dicter leurs conduites par des institutions. Nous sommes entrés dans une société du libre choix individuel. Cela vaut pour la façon dont on meurt, d’où les débats sur la fin de
vie, comme sur celle dont on organise ses funérailles. L’inhumation dans le caveau familial marquait la préoccupation de s’inscrire dans un territoire. Dans la crémation ou la dispersion des cendres, on perçoit moins la volonté de laisser une trace.


Propos recueillis par Julien Rousset,
rédaction parisienne de Sud-Ouest



01/11/2024
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