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Retraite à 64 ans, le petit jeu du RN et de la gauche
Dix-huit mois après sa promulgation par Emmanuel Macron,
la réforme des retraites décalant l’âge de départ à 64 ans
reste une patate brûlante. D’autant plus surchauffée que ce
ne sont pas les députés qui l’ont adoptée à la majorité mais
la Première ministre Élisabeth Borne qui l’a imposée avec le 49.3.
Opposé au texte ainsi qu’à la réforme Touraine, votée pendant le quinquennat
Hollande, le RN a glissé son abrogation au coeur de la niche
parlementaire qu’il va défendre ce jeudi. Si on ajoute mathématiquement
le nombre de députés qui siègent au Palais-Bourbon – et les statistiques
montrent que les lepénistes et les Insoumis sont beaucoup plus
assidus que les macronistes –, la loi Borne est condamnée puisque NFP
et RN additionnés sont majoritaires.
Les choses sont en fait un peu plus compliquées. D’abord parce que
cette révocation serait sans nul doute censurée au Conseil
constitutionnel, en vertu de l’article 40 du texte de 1958 qui
rend irrecevable une loi ou un amendement ayant pour conséquence
de détériorer les finances publiques.
Ensuite, parce qu’il faudrait que
la gauche valide la proposition du RN, initiative politiquement incendiaire.
Certes, les communistes Fabien Roussel et Léon Deffontaines
assurent qu’il faut abroger la réforme, quitte à passer sous les fourches
caudines du RN, renvoyant le front républicain… à la retraite, mais ils
sont plutôt isolés. La copie lepéniste a d’ailleurs été édulcorée en commission
de ses deux principaux articles.
Le parti d’extrême droite a beau vouloir les rétablir pour la séance
plénière, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet l’en empêchera,
au nom du fameux article 40. À moins, hypothèse guère probable, que
le président insoumis de la commission des finances, Éric Coquerel, la
devance. C’est donc un élu de gauche qui ressusciterait le projet du RN
et refuserait ensuite de le voter dans l’hémicycle.
On l’a compris, gauche et RN se livrent une belle bataille, très technique,
de jeu de go parlementaire. L’objectif est de revendiquer la paternité
de la résiliation de la loi Borne et, par conséquent, d’empêcher le
camp d’en face de marquer l’essai. Le groupe lepéniste a ainsi voté avec
les macronistes et les Républicains afin de bloquer une proposition de
gauche qui ouvrait la porte à l’abandon du départ à 64 ans et donnait un
point symbolique au NFP.
Autant dire que pour les adversaires de la réforme Borne, il y a encore
du travail !
Benoît Lasserre édito Sud-Ouest