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Arrêts maladies : «Les fonctionnaires ne sont pas des vaches sacrées dont il serait impossible de questionner les conditions de travail»

Article de Olivier Babeau

 

 

FIGAROVOX/TRIBUNE - La proposition du ministre de la Fonction publique de durcir les conditions d'indemnisations des arrêts maladies des fonctionnaires est une évidence et doit s’inscrire dans une refonte plus large de leur statut, estime le président de l’Institut Sapiens, Olivier Babeau.

Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique.© THOMAS SAMSON / AFP

Olivier Babeau est président de l'Institut Sapiens, fondateur des Rencontres des Sablons. Dernier ouvrage : « La Tyrannie du divertissement » (Buchet-Chastel).

 

En ouvrant le débat sur l'indemnisation des agents publics en cas d'arrêt maladie, le jeune ministre Guillaume Kasbarian montre qu'il n'a pas l'intention d'être un ministre de la fonction publique potiche achetant la paix sociale par le statu quo.

Les syndicats sont dans leur rôle quand ils protestent contre ce qu'ils décrivent comme une régression. Il y a pourtant un juste milieu entre «montrer du doigt les fonctionnaires» et faire d'eux des vaches sacrées dont il serait impossible de questionner les conditions de travail. Qui peut nier que l'absentéisme des agents publics pose un grave problème ? En 10 ans, nous sommes passés de 43 millions de jours à 77 millions de jours d'absence. Le coût annuel de l'absentéisme public est de 15 milliards d'euros par an. C'est autant que dans le privé, alors que l'emploi public ne représente 20% des emplois. L'écart s'est creusé depuis le Covid : en 2022, le nombre moyen de jours d'arrêts maladie était de 14,5 jours par an, contre 11,6 pour le secteur privé. Être agent public rend malade. Les agents publics sont d'ailleurs les premières victimes de ce surplus d'absences, puisque le travail non fait se reporte sur les présents.

 

Le budget 2025, on commence à bien le comprendre, demande des efforts à tous les Français. Il est logique que les fonctionnaires s'y associent. Passer par le biais des coûteux arrêts de travail est une façon d'obtenir des économies substantielles. Il s'agit de limiter des abus qui coûtent cher. Le déficit de nos comptes publics, on le sait, est surtout grevé par ceux de nos comptes sociaux, vieillesse et maladie. Il est logique de faire porter là l'effort.

Porter les jours de carence à trois, en les mettant au niveau de ceux du privé, est une mesure d'évidence. Rien ne justifie une différence. Notre système de protection sociale est l'un des plus généreux du monde. Mais sa soutenabilité implique de trouver un subtil équilibre entre protection et incitation. C'est le principe des franchises d'assurance qui cherchent à éviter l'aléa moral, autrement dit les comportements abusifs liés à une prise en charge des risques associés. Les jours de carence ont exactement la même fonction : les maladies longues sont bien sûr couvertes, mais le système ne pourrait tout simplement pas permettre à tout le monde de petits arrêts sans aucun mécanisme désincitatif.

La baisse à 90% du niveau de traitement pendant trois mois de l'indemnisation des arrêts maladies procède de la même logique : il faut bien sûr couvrir les maladies longues, mais introduire une différence significative de revenus entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas pour limiter les abus. C'est la mesure qui devrait rapporter le plus d'économie (900 millions d'euros attendus). Dans le privé, l'indemnisation est d'ailleurs la plupart du temps bien moins élevée (plutôt à 50% du salaire journaliser de base) : la réforme ne propose même pas cette égalisation, les agents publics restant privilégiés.

Cette réforme ne doit être qu'un premier pas. Il est évident que les arrêts maladies ne peuvent pas être traités seulement par le biais du durcissement prévu. Ils sont le symptôme d'un mal bien plus profond : une forme de démotivation, voire de mal-être au travail. La baisse vertigineuse d'attractivité de la fonction publique en est la conséquence préoccupante. Beaucoup de causes peuvent être désignées pour expliquer ce mal-être : des conditions de travail dégradées, un management déficient, une gestion des ressources humaines à peu près inexistante, un manque de perspectives de carrières, une rémunération certes traditionnellement plus basse car elle est associée à la sécurité de l'emploi, mais qui est devenue vraiment faible à force de gels du point d'indice. Ajoutons que la fonction publique n'échappe pas au développement des « bullshit jobs » décrits par le sociologue Graeber, ces emplois bureaucratiques sans intérêt. Dans ces conditions, chercher à décourager les arrêts de travail ne toucherait qu'à la surface du problème.

Il faut avoir le courage de remettre en cause le statut des fonctionnaires. A l'heure où l'économie et les technologies évoluent plus vite que jamais, où l'État est appelé à se réinventer en profondeur et à redessiner le périmètre de ses interventions pour gagner en efficacité, engager une personne par concours pour toute sa vie n'a plus de sens et ne correspond d'ailleurs plus aux aspirations des jeunes. Si les fonctions régaliennes comme la justice ou la sécurité justifient un tel statut, il est évident que l'État doit massivement basculer vers un emploi plus flexible par contrat, favorisant les allers et retours avec le privé et la parfaite correspondance de ses effectifs avec ses besoins en nombre et en compétences. Cela permettrait à l'État de gagner en agilité, et surtout aux emplois de retrouver leur intérêt, puisque la fin du statut ne pourrait qu'aller de pair avec une meilleure rémunération.



30/10/2024
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