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Une élection à un million de dollars
Un million de dollars : c’est le chèque qu’Elon Musk signe
chaque jour en Pennsylvanie à un quidam tiré au sort.
Seules conditions exigées par le magnat de SpaceX, de Tesla
et du réseau X : que l’heureux bénéficiaire signe la pétition
trumpiste en faveur de la liberté d’expression et du port d’armes, et soit
inscrit sur les listes électorales d’un des États clés où se jouera le scrutin
du 5 novembre.
Que l’élection américaine soit une affaire de gros sous autant que de
projets politiques concurrents n’est pas une découverte. Et en ce domaine,
les levées de fonds du Parti démocrate n’ont rien à envier, tant
s’en faut, à celles du Parti républicain : pour un Musk volant au soutien
de Trump, combien de patrons de la nouvelle économie en font autant,
voire plus, pour alimenter la campagne de Kamala Harris ?
En revanche, on peut mettre en doute la moralité et surtout la
légalité de la loterie politique inventée par le milliardaire
pour influencer l’issue du vote. Malin, Musk ne paie pas les gens
pour prendre une carte d’électeur, ce qui serait assimilé à un
achat de voix lourdement puni par la loi fédérale, mais pour signer
une pétition. Et d’ici l’élection, aucun juge ne mettra son nez
dans l’opération.
Sera-t-elle efficace ? Rien ne le dit. Outre que Musk prêche des convertis,
cet achat de voix déguisé pourrait détourner de Trump quelques
électeurs encore attachés à un minimum de décence en politique, et
rebutés par un étalage cynique du pouvoir de l’argent. Certes, l’Amérique
des « barons voleurs » du XXe siècle n’est pas naïve en la matière,
mais l’activisme politique de magnats aussi célèbres et puissants que
Ford, Rockefeller ou Morgan se voulait tout de même plus discret.
La discrétion n’est pas le fort de Musk, ni pour l’argent ni pour l’ambition
politique. On prête à Trump l’intention, s’il était élu, de confier au
chef d’entreprise le plus riche du monde la direction d’une commission
chargée de remodeler l’administration fédérale, tailler dans ses règlements
et réduire la dépense publique : une façon de « dégraisser le
mammouth » dans l’esprit de son idéologie libertarienne.
Le candidat républicain est-il prêt à le suivre sur le chemin d’une société
ressemblant à une jungle surarmée où régnerait la loi du plus fort ?
Un moyen de la faire accepter est de convaincre les gens que chacun
peut avoir sa chance. Par exemple en gagnant à une loterie comme
celle qu’Elon Musk a mise en place pour forcer le sort d’une élection
dont l’issue est une énigme à un million de dollars.
Christophe Lucet édito Sud-Ouest