Face à une crise profonde de la Ve République : "Ce sont les 600 000 élus locaux qui font tenir le pays", analyse le politologue Pascal Perrineau
"La Ve République et son vieux système politique bipolaire sont entrés dans une crise extrêmement profonde". Voici l’entrée en matière que nous livre Pascal Perrineau qui interviendra ce vendredi, au Congrès des maires et des élus du Lot sur le thème " Confiance démocratique et élus locaux".
Politologue, professeur des universités associé au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Pascal Perrineau va mettre en perspective l’évolution des partis politiques et le comportement des électeurs français, lors du Congrès des maires, ce vendredi, à Fontanes.
"Jusque-là, nous avions une alternance régulière de la Gauche (bloc PS, Verts et PCF) et de la Droite (LR et UDF), avec deux grands partis qui structuraient la politique. À tort ou à raison, les électeurs ont considéré qu’ils étaient responsables de l’absence de changements majeurs dans leur vie et des conditions économiques et sociales, sur fond de chomage", relate le politologue.
Ainsi l’alternance politique régulière et bipolaire est morte et le Macronisme a émergé. " Emmanuel Macron a présenté un discours sans clivage gauche-droite, mais progressiste et nationaliste. Une 3e voie en laquelle les Français ont cru", analyse Pascal Perrineau.
"On est passé d’une expression sociale avec les gilets jaunes, à une expression électorale avec le vote RN"
Puis 2022 est arrivée et avec elle un sentiment de déception. "Cela s’est caractérisé par l’absence d’une majorité absolue, que l’on a vu s’accentuer aux dernières législatives. Les groupes politiques ont éclaté et nous avons eu 4 blocs, celui de gauche à influence LFI, le bloc macronien, celui de LR en parti charnière qui pèse pour dégager une majorité relative, et le bloc RN", décrit-il, expliquant : "Or, les institutions de la Ve République s’appuient sur un scrutin majoritaire à deux tours, donc sur une bipolarisation. Mais, comme je le dis à mes étudiants, on ne fait pas rentrer 4 dans 2. Nous allons donc de majorité relative en majorité relative… Cela renforce la crise du politique. L’expression RN des électeurs, ce sont des gens abandonnés par la fermeture des services publics, des commerces, des entreprises, des écoles. Les laissés-pour-compte. On est passé d’une expression sociale avec les gilets jaunes, à une expression électorale avec le vote RN".
"Heureusement, tempère-t-il, il reste le local. Vive le local ! La confiance dans nos maires et élus municipaux reste très forte, plus de 60 %. Il faut distinguer deux choses. D’une part, les Français ont une appartenance au local, un véritable affect à leur commune. C’est ce réseau de 600 000 élus locaux qui fait tenir le pays. Souvenons-nous des vagues terroristes, de la pandémie, ils étaient au 1er plan."
Les élus de proximité sont "la concorde au sein de la population"
Comme un rempart pour la population, le bloc municipal tient bon. "Les élus locaux ce sont les gardiens vigilants de la République. On doute de la démocratie nationale, européenne, mondiale, mais on ne doute pas de la démocratie de proximité. Le maire on le connaît, il est présent. Mais il ne faut pas l’accabler de tous les maux, car son pouvoir est limité. Il y a des citoyens frustrés qui ne le comprennent pas. Le conseil municipal et ses élus, à travers la protection du village, l’animation de la vie locale, l’entretien et l’investissement sur les équipements font exister la commune. Ils sont la concorde au sein de la population".
Pour que la Ve République aille mieux, Pascal Perrineau a une analyse" Plus de local. Il faut franchir une nouvelle étape dans la décentralisation, éclaircir ce mille-feuille territorial, ces financements croisés… Pour donner aux élus locaux leurs propres ressources. Mais cela doit se bâtir avec les élus locaux, avec l’AMF, les assemblées, les hommes et les femmes", conclut-il.