3238-Extrême gauche: les "fidèles" pour remplacer les ouvriers ? 2 posts

Extrême gauche : les «fidèles» pour remplacer les ouvriers ?

  • par Kamel Daoud, pour Le Point - septembre 2024 Republié par Jal Rossi
  •  recruter à la mosquée plutôt qu’à l’usine, à troquer Marx contre le cheikh, la gauche extrême trahit sa vocation. Une abdication qui ne fera que des perdants.
 
Des usines aux mosquées. C'est ce qu'on reproche à l'extrême gauche française (et à la gauche qui s'y soumet) : sa conversion au confessionnel sublimé en prolétariat nouveau. Voilà cette vieille famille qui manque cruellement de recrues depuis deux décennies, dit-on, et qui, faute d'ouvriers, cherche des croyants en la croyance la plus subversive aujourd'hui : l'islamisme.
En somme, pour le portrait, on efface Marx, mais on garde la barbe du prêcheur antique et la promesse exaltée. Ce verdict est-il pertinent ? À l'évidence, oui : la France est un pays avec un hiatus d'âge : le peuple des retraités voterait à droite, il restait celui des jeunes musulmans de la République à rallier par un nouveau messianisme. Et comment maintenir la flamme de ce ralliement ? Par la «cause palestinienne» et l'islamophobie. La «cause» mêle en une «synthèse nucléaire» la judéophobie de culture, les décolonisations rejouées et l'épopée de la reconquête du monde par les descendants de l'empire abbasside sublimé. Mélenchon, le premier, l'a bien compris : aujourd'hui, la force subversive et virile de la «révolution» ne se recrute pas dans les usines.
 
Malaise dans la gauche française
 
Ce concubinage malsain entraîne un certain malaise au sein de la gauche historique française : elle veut incarner l'ouvrier et le croyant musulman, mais tombe dans les bras de l'islamisme. Elle se réclame de deux traditions étrangères l'une à l'autre, qu'elle veut unir : l'agitateur et le mercenaire. Alors la gauche titube, s'emmêle les pinceaux, tangue : elle hésite entre deux lièvres. Elle sait qu'elle a perdu le prolétaire, mais aussi que le nouveau «barbare» risque de la conduire à la catastrophe finale, à la fin présumée de l'Histoire.
 
L'idéal aurait été l'ouvrier musulman, mais celui-là demeure rétif, rare ou à inventer.
C'est chose presque impossible : l'un travaille pour la fin du mois, l'autre pour la fin du monde. L'un à «comment joindre les deux bouts ?», l'autre à «comment rejoindre le paradis ?». En réalité, sans excès de stéréotypes, la gauche extrême s'agite dans une relation toxique au sein d'un couple mixte. Alors, elle se tait, se suicide, puis se relève, dit une chose et son contraire, se bat pour une Palestine située rue du Faubourg-Saint-Honoré, se fait huer et hue le monde. Du temps sera donc nécessaire pour la décantation ou l'aveu de l'erreur historique. Pour disparaître. Ou bien pour revenir à sa vocation à la sortie des usines, et non des mosquées.
 
Marx est mort, vive le cheikh !
 
Cet amour toxique et malheureux n'est pas un phénomène récent ou limité à une région particulière. Toute la gauche arabe le subit depuis peu dans la transe : faute de militants, la voici, elle aussi, à faire l'éloge de l'islamiste. Elle est pressée de blanchir l'islamisme (qui pourtant abhorrait les gauchistes) comme force virile de sa dialectique de l'Histoire. Après avoir répété que la religion est l'opium des peuples, elle en consomme au narguilé éditorial et rêve de paradis artificiels pour surmonter l'aigreur. Elle abdique, s'agenouille, se convertit, porte le voile. La gauche arabe, comme toutes les autres, a toujours ressenti l'effet de foule comme une puissance érotique. Virilisante, pollinisante. Aujourd'hui, on voit le prolétariat, là aussi, comme confessionnel. On s'extasie sans se fatiguer du retour de la «force».
 
Alors, Marx est mort, vive le cheikh ? Oui. Parce qu'aujourd'hui les usines sont en Chine, et les mosquées, en France. Le choix s'impose. Et les idéologues de la révolution totale, dans le monde dit «arabe» ou ici, en France, ont cette habitude de mener la guerre par délégation pour ne pas se salir les mains. Comme ces mercenaires de la classe ouvrière qui exploitent le «bon sauvage» depuis des siècles.�
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14/10/2024
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