Budget 2025 : la potion amère du gouvernement pour tenter d'enrayer la spirale de la dette
Le projet de loi de finances pour l'an prochain présenté ce jeudi repose sur des hausses d'impôts plus importantes que prévu. Bercy promet un grand coup de frein sur la dépense publique, mais des questions demeurent sur l'ampleur des coupes. La charge de la dette s'alourdit un peu plus.
Par Renaud Honoré Les Echos
Faire en sorte que la France dispose d'ici à décembre d'un budget 2025 marqué par une consolidation des comptes inédite sous la Ve République, tout en évitant que son gouvernement ne soit renversé à l'Assemblée nationale du fait de mesures trop impopulaires. Le Premier ministre Michel Barnier s'est lancé ce jeudi dans le traditionnel marathon budgétaire de l'automne, mais c'est comme s'il devait le courir pieds nus sur un tapis de ronces.
Le projet de loi de finances pour l'an prochain dévoilé officiellement ce jeudi sera « exigeant », comme l'a reconnu le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin, lors d'une conférence de presse. Difficile en effet de ne pas l'être, au regard de la situation des finances publiques. On le sait, le déficit devrait naviguer à un étiage proche de 6,1 % en 2024. Plus parlant encore, celui de l'Etat continue de s'établir à des niveaux proches de ceux connus pendant la crise sanitaire, représentant encore 166,6 milliards d'euros. C'est plus du double du montant de 2019 (-76 milliards) !
Débat sur les hausses d'impôts
Pour revenir à un déficit public représentant 5 %, il va donc falloir appuyer fort sur le frein. Jusqu'à quel point ? En tout, le gouvernement assure que cela représente un effort budgétaire de 60 milliards d'euros, quand le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le chiffre plutôt à 42 milliards avec une méthodologie différente dans un avis rendu jeudi. Quel que soit le montant retenu, on sera à des niveaux record. « Evidemment ce sera difficile. Evidemment cela implique de bousculer nos pratiques et notre façon de dépenser l'argent public. Mais c'est nécessaire », a argué Antoine Armand, le ministre des Finances. « Je suis là pour tenir un discours de vérité et pour proposer un chemin de responsabilité. On ne peut plus attendre », a assuré Laurent Saint-Martin.
Le premier problème qui va se poser pour le gouvernement est que la vérité est visiblement une notion sujette à interprétations. Bercy assure ainsi que les hausses d'impôts ne sont pas le principal levier pour réduire le déficit, avec un total estimé à 19 milliards, soit un tiers de l'effort. Mais le HCFP a une tout autre vision, réévaluant la facture globale à 30 milliards pour peser au moins 50 % de l'effort. « C'est une question d'interprétation », a assumé Laurent Saint-Martin.
Les députés de tous bords risquent d'en avoir une différente eux aussi. Déjà, le « socle commun » censé soutenir Michel Barnier - et en particulier le camp présidentiel - a fait savoir que la main avait été trop lourde sur les hausses d'impôts dans le cocktail préparé par l'exécutif. En particulier, la hausse spectaculaire des taxes sur l'électricité devrait agiter les débats parlementaires, alors qu'elle représente un montant non négligeable (6 milliards) dans l'addition totale.
Baisse forte des dépenses
Mais ce débat déjà lancé depuis plusieurs jours ne peut pas éclipser les autres difficultés qui s'annoncent sur le front des économies budgétaires. Bercy se fait fort d'opérer une réduction significative de la dépense mais « sans cure d'austérité », comme l'a répété Laurent Saint-Martin. Ce dernier a tenté de dissiper le flou autour de ce volet de la stratégie budgétaire, alors que le HCFP s'est plaint là aussi du manque de données sur le sujet.
Sur le papier, l'opération s'annonce importante. Certes, la dépense publique continuera de progresser, représentant 1.699 milliards d'euros l'an prochain, en hausse de 41 milliards par rapport à 2024. Mais si l'on calcule son évolution en volume (hors effet de l'inflation), on obtient un taux de 0,7 %, peu de fois atteint dans un passé récent.
Tout le monde doit participer à l'effort, répètent les locataires de Bercy. Encore faut-il que chacun y consente. Les collectivités locales sont déjà vent debout contre les 5 milliards qui leur sont réclamés. Sur la sphère sociale, le report de la revalorisation des retraites sera difficile à faire passer, et ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement tente de s'attaquer à la flambée du coût du transport sanitaire.
Bercy lâche du lest
Mais c'est l'Etat qui doit contribuer le plus, avec une évolution de ses dépenses en volume (hors charge d'intérêt) annoncé à -1,1 %. Le nouveau gouvernement assure que sa main ne tremblera pas. Les aides à l'apprentissage - pourtant un totem sacré pour Emmanuel Macron - seront rognées. Même légère, il y aura bien une baisse des effectifs de l'Etat (-2.200 emplois), ciblée notamment sur l'Education nationale pour tirer les conséquences de la baisse tendancielle du nombre d'élèves. Au-delà des 15 milliards d'économies actés sur les crédits des ministères depuis la copie provisoire laissée par Gabriel Attal, Laurent Saint-Martin et Antoine Armand promettent aussi 5 milliards supplémentaires durant l'examen parlementaire, notamment en diminuant la réserve de précaution prévue pour les ministères dans le budget.
Facture financière
Il y a déjà en tout cas un budget qui est assuré de voir sa progression continuer, c'est celui de la charge de la dette. Dans le projet de loi de finances pour 2025, cette charge devrait s'établir à 54,9 milliards, en hausse de 4 milliards par rapport à 2024, alors que la dette se rapprochera de 115 % du PIB. C'est de loin le premier poste de hausse de crédits au sein de l'Etat, et ce n'est que le début.
Les documents attachés au PLF préviennent que le chiffre augmentera à 69,6 milliards d'euros, pour devenir le premier poste de l'Etat. La suite s'annonce pire encore : le gouvernement a calculé que le poids de ce coût de l'Etat pour se financer ne va cesser de s'alourdir dans les années à venir : il représentait 1,9 % du PIB en 2023, il passera à 2,8 % en 2027, et il pourrait atteindre 3,5 % en 2031 avant d'entamer un timide reflux à partir de 2032. Les finances publiques devraient structurer le débat politique bien au-delà de cet automne agité.
Renaud Honoré