La Dépêche du Midi : Pensez-vous que l’union de la gauche est condamnée ?

Gérard Grunberg, politologue, spécialiste de la gauche : Plusieurs raisons nous portent à croire qu’elle est condamnée, tout comme la Nupes est morte à la veille des élections européennes, mais on peut aussi croire que le NFP peut subsister.

 

 Quelles sont ces raisons ?

 

Malgré la présentation d’un programme commun de gouvernement, on sait que les désaccords entre La France Insoumise (LFI) et le reste de la gauche sont nombreux et importants. Cela concerne l’Ukraine, Israël et l’Union européenne d’un point de vue international. Il y a aussi des désaccords sur la conception même du fonctionnement de la vie politique. LFI est un parti d’opposition extrême qui prône la révolution avec le chahut à l’Assemblée et les motions de censure à répétition. Tout ça met les socialistes dans l’embarras.

La perspective de l’élection présidentielle ne menace-t-elle pas également le NFP ?

Effectivement, la question de la candidature de Jean-Luc Mélenchon pose problème, or LFI a répété à mille reprises que ce serait lui et personne d’autre. Ça, le PS ne peut pas l’accepter. On voit aussi des désaccords croissants au sein du PS. Certains comme François Hollande disent qu’ils souhaitent voir Raphaël Glucksmann intégrer le parti. Il pourrait y avoir un changement de majorité et l’émergence d’une ligne clairement hostile à LFI.

 

Comment le NFP pourrait-il tenir malgré tous ces points de désaccord ?

 

Tout n’est pas joué entièrement car, dans le système actuel, les socialistes se disent qu’il n’y a pas d’autres solutions que de se recoller à LFI pour pouvoir faire élire des députés dans l’hypothèse d’une nouvelle dissolution. Mais l’idée d’une union sera de plus en plus difficile à défendre auprès des électeurs dans la mesure où les désaccords sont de plus en plus évidents.

 

La figure de Jean-Luc Mélenchon est-elle toujours un repoussoir ?

 

On dirait qu’il fait tout pour liquider cette alliance… C’est un mégalomane qui veut être sur le devant de la scène sans arrêt. Il ne vise pas le pouvoir, il veut garder sa part de marché électoral, en incarnant une certaine radicalité. Il ne se dit pas intéressé par une alliance avec le PS, ce que je ne comprends pas, car une candidature de Glucksmann pourrait le mettre en danger aux présidentielles.

 

Il en prend conscience selon vous ?

 

Il s’en rend peut-être compte car il tempère ses propos sur le 7 octobre en parlant notamment "d’attaque terroriste".

 

La gauche ne peut plus arriver au pouvoir ?

 

Je ne vois personne capable d’unir la gauche derrière sa candidature. D’ailleurs, l’idée de LA gauche est une idée dépassée, il n’y a pas UNE gauche, sauf purement défensive, qui existerait en tant que minorité d’opposition. Une gauche capable de gagner et d’exercer le pouvoir, ça n’existe plus. Ils ont tort de raisonner encore comme ça, il y a un centre et une extrême droite aujourd’hui.

 

Une petite voix s’élève pour faire de la sociale démocratie la seule option pour mener la gauche au pouvoir, vous y croyez ?

 

C’est compliqué à dire car on ne sait pas ce que va devenir la gauche de la Macronie, ça, c’est une vraie question. Il y aura peut-être une union du centre gauche, pour l’instant, on n’en sait rien. Bernard Cazeneuve est peut-être le seul social-démocrate, dans le sens premier du terme. En effet, dans les systèmes européens, c’est un système qui noue des alliances à gauche ou à droite. La gauche française n’a quasiment jamais été sociale démocrate, ça n’est pas dans ses gênes.

 

Raphaël Glucksmann ne peut pas l’incarner selon vous ?

 

Place Publique, même alliée avec le PS ne serait pas assez fort, il ne faut pas oublier qu’il faut faire plus de 12,5 % des inscrits pour se hisser au second tour des présidentielles.