3218- Israël ne va pas rater l’occasion d’attaquer l’Iran 2 posts

« Israël ne va pas rater l’occasion d’attaquer l’Iran »


Directeur de l’Observatoire des pays arabes à Paris, le politologue franco libanais Antoine Basbous juge inéluctable une attaque israélienne sur l’Iran et en appelle à un sursaut patriotique du Liban contre les ingérences étrangères


Recueilli par Christophe Lucet Sud-Ouest

 

 

 

Israël a annoncé des représailles contre l’Iran après la pluie de missiles iraniens sur son sol. Jusqu’où ira l’escalade ?
Le conflit va s’étendre de la Méditerranée à la Caspienne. C’est écrit.Après l’attaque du Hamas le 7 octobre contre Israël, ce dernier s’est retrouvé face aux affidés de l’Iran à Gaza, au Liban, en Syrie, en Irak ainsi qu’au Yémen puisque Téhéran héberge
le chef des houthistes. Ces nids de frelons encerclant Israël cherchent à l’épuiser mais après dix mois de guerre d’usure, l’État hébreu a repris l’initiative en assassinant à
Beyrouth le 30 juillet le chef du Hezbollah pour le Liban et, quelques heures après, le chef politique du Hamas en plein quartier sécurisé de Téhéran : une véritable humiliation pour l’Iran car Ismaïl Haniyeh était l’invité officiel des mollahs pour l’intronisation du nouveau président et il venait de rencontrer le Guide suprême.


Israël va-t-il oser bombarder les sites nucléaires iraniens ?

 

Le rêve de Netanyahou est d’en finir avec le programme nucléaire iranien en entraînant les États-Unis dans son sillage.Or en pleine campagne électorale 

américaine, aucun des deux candidats ne peut refuser son soutien à Israël. Celui-ci a repris l’initiative et veut restaurer sa capacité de dissuasion. C’est donc le moment où
jamais.En expédiant des missiles sur Tel-Aviv, l’Iran a offert à Netanyahou le prétexte pour agir et le Premier ministre sait que les Israéliens lui reprochent non seulement le drame du 7 octobre mais aussi d’avoir laissé le programme iranien prospérer quand il était au pouvoir. Il a déjà fait neutraliser des radars en Syrie pour ouvrir l’autoroute aérienne menant en Iran et ensuite y détruire des installations sensibles. Les sites nucléaires sont enterrés et dispersés mais Israël a sans doute les moyens de retarder le programme de quelques années.


Netanyahou se passerait donc du feu vert américain ?
Il a déjà prouvé qu’il n’écoutait personne. Israël est l’enfant gâté de Washington: on lui dit « n’y va pas » et s’il y va quand même, on le soutient et on l’approuve. Depuis le 7 octobre,les États-Unis ont dépêché dans le Golfe et en Méditerranée deux groupes aéronavals, et 40 000 de leurs soldats stationnent dans la zone. Israël ne
compte pas rater cette occasion de frapper l’Iran. En revanche, son espoir que cela entraîne la chute des mollahs est illusoire, même si les Iraniens, opprimés par ce régime, ne le soutiennent plus.


Est-ce d’avoir mis à genoux le Hamas et le Hezbollah qui donne à Netanyahou cette assurance ?


Oui. Après avoir réduit Gaza à l’état de terrain vague, il s’est retourné contre le Hezbollah qui l’avait attaqué dès le lendemain du 7 octobre sur ordre de l’Iran et sans en référer au gouvernement libanais. La façon dont Israël a liquidé la direction politique et militaire du « Parti de Dieu », en l’infiltrant jusqu’à Beyrouth et à Téhéran a tétanisé ceux qui restent : les obsèques publiques d’Hassan Nasrallah n’ont pas pu avoir lieu et son successeur présumé a déjà été visé par une violente attaque sur son bunker de Beyrouth vendredi.


Pourtant, le Hezbollah fait mieux que résister aux Israéliens


Oui, car ses fantassins sont aguerris. Israël domine de façon écrasante les airs et le renseignement mais la milice chiite a préparé et piégé un terrain qu’elle connaît comme sa poche. Les revers de Tsahal au sud Liban font remonter le moral du Hezbollah.


On n’entend guère les pays arabes –Émirats, Arabie saoudite, Jordanie,
Égypte – commenter les événements. Pourquoi ?


À des degrés variables, le Hezbollah a montré qu’il était leur ennemi, entraînant des milices en Irak, au Yémen, qui prenaient pour cible des installations civiles et économiques dans le Golfe. Ces pays sunnites ne vont donc pas se plaindre des malheurs du Hezbollah et du recul de l’influence iranienne. Quant au Hamas, ils l’interdisent chez eux : ils le voient comme une organisation terroriste instrumentalisée par Téhéran et liée à ses autres suppôts dans la région, une version palestinienne des Frères musulmans et de leur idéologie. Ils pourraient au moins voler au secours des habitants de Gaza…
Ces pays sont schizophrènes. Leur opinion, qui suit le drame de Gaza sur les chaînes d’information continue, soutient les Palestiniens mais les gouvernements jugent vain de combattre Israël et préfèrent coopérer avec lui, par exemple dans le cadre des « accords d’Abraham ». Les peuples n’en peuvent plus mais il n’y a pas d’élection pour traduire l’émotion populaire. L’héritier du trône d’Arabie saoudite, qui voulait se rapprocher d’Israël avant le 7 octobre, a pris ses distances pour montrer que lui aussi soutenait la Palestine, et il a reparlé de la nécessité d’un État palestinien.
Cela envoie un signal apaisant à l’opinion interne et islamique mais n’engage à rien.
Pendant ce temps, Gaza vit l’enfer…
Israël continue à bombarder l’enclave, il y a des morts tous les jours, y compris en Cisjordanie, mais le projecteur s’est déplacé vers le Liban et l’Iran, occultant Gaza. Et s’il y a enfin un cessez-le-feu, tous les Gazaouis demanderont des visas pour l’Europe, le Canada, l’Australie, car il n’y a plus de vie possible sur ce territoire.


Israël veut-il vider Gaza de sa population?


Certainement. Il envoie aussi un message à ses voisins : si vous menacez Israël, vous serez anéantis.


Pourquoi Israël envahit-il le Liban ?


Il l’a attaqué en 1978 parce que Yasser Arafat avait transformé le sud Liban en « Fatah-land », et en 1982 car le même Arafat avait fait de Beyrouth la capitale palestinienne. En 2024, Israël entre au Liban car Hassan Nasrallah, devenu le chef de facto de ce pays, l’a attaqué sur ordre de l’Iran. Il est donc temps que les Libanais retrouvent un esprit patriotique et mettent l’intérêt du Liban au-dessus de celui des puissances étrangères.


Vous y croyez ?


D’avoir été « biberonné » à la tutelle a été mortifère pour le Liban, passé du statut de « Suisse du Levant » à celui d’État failli. Le pays peut être sensible à la cause palestinienne sans être asservi.
Ces ingérences doivent  enfin un président de la République. L’Église doit retrouver son rôle historique de « boussole morale » et sortir des compromissions. La France peut y aider, en entraînant les autres Européens, les Américains et les pays arabes dans ce projet de restauration des institutions libanaises.

 


Recueilli par Christophe Lucet Sud-Ouest

« Israël est l’enfant gâté de Washington :on lui dit ‘‘n’y va pas’’ et s’il y va quand
même, on le soutient et on l’approuve »

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Antoine Basbous dirige l’Observatoire des pays arabes et est associé à Forward Global. A.B.

 



06/10/2024
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