Nouveau gouvernement : à gauche, le temps des regrets
En moins de temps qu’il n’en a fallu à Emmanuel Macron pour choisir le nouveau Premier ministre – près de deux mois, trêve olympique incluse – Michel Barnier nous annonce un gouvernement pour la semaine prochaine.
Quinze jours pour constituer une liste de noms, c’est peu mais c’est aussi beaucoup en comparaison des délais habituels, preuve de la particularité de l’instant dans lequel se trouve le pays, et de l’Everest politique qui se dresse devant le montagnard de Matignon.
De qui va s’entourer Michel Barnier, quels hommes et quelles femmes viendront placer un mousqueton à sa cordée qui partira à l’ascension de la France sans filet et dont plusieurs, déjà, espèrent qu’elle dévisse ?
La plus grande discrétion enveloppe les travaux exploratoires et les prises de contact du successeur de Gabriel Attal, c’est à ce genre de détail que l’on devine le changement de méthode qui s’annonce, mais il est certain que le futur gouvernement penchera à droite, en dépit des messages d’ouverture exprimés par l’ex-commissaire européen, et surtout des attentes des Français.
Ce paradoxe qui consiste à priver les alliés du Nouveau Front populaire (NFP) du pouvoir auquel ils pouvaient légitimement prétendre après le résultat des élections législatives anticipées, n’est pas le seul fait d’Emmanuel Macron. Ceux qui l’accusent d’avoir volé sa victoire à la gauche, d’une certaine façon, sont aussi ses complices.
Sans les rodomontades de Jean-Luc Mélenchon – souvenez-vous, "tout le programme, rien que le programme" – ni les manigances ourdies en Bureau national du PS, ce n’est pas Michel Barnier mais Bernard Cazeneuve qui serait sur le point de présenter son gouvernement au pays.
L’Insoumis en chef et sa fixette sur la présidentielle, Olivier Faure, François Hollande et leur ego, et plus accessoirement, Lucie Castets et sa melonite aiguë, en ont décidé autrement.
Que "La République c’est moi !" et ses sbires n’aient pas été intéressés par une cohabitation n’est pas une surprise. Ici, ça marche à la schlag, on ne partage pas le pouvoir, on ne dialogue ni ne compose, comme le raconte François Ruffin dans son dernier ouvrage, "Itinéraire. Ma France en entier, pas à moitié". La meute, depuis, est à ses trousses…
L’attitude du PS est en revanche plus inattendue de la part d’un parti dont l’histoire nous rappelle qu’il sut gouverner en toutes circonstances. Peut-être l’a-t-il oublié, comme le sens des responsabilités…
Le refus d’obstacle que suggère le torpillage de Bernard Cazeneuve n’est pas que le résultat d’une crise de jalousie des chapeaux à plumes socialistes. On n’ose le croire, mais ce pourrait être un aveu de paresse et de lâcheté. Paresse devant l’ampleur de la tâche qui attend le futur gouvernement : dette colossale, école et hôpital en perdition, patate chaude de la retraite, songez que l’Italie évoque un âge de départ à 70 ans ! Lâcheté devant des Insoumis aussi repoussoirs qu’indispensables à l’avenir de la gauche.
Après avoir testé la "normalitude", on dirait que le PS a choisi de se complaire dans le confort oisif et tapageur de l’opposition, laissant à d’autres le soin de faire le sale mais indispensable boulot. C’est décevant mais il ne faut jamais désespérer…