[Article publié le mercredi 11 septembre à 06h38 et mis à jour à 08h34] Kamala Harris et Donald Trump se sont durement affrontés mardi soir lors d'un débat télévisé au ton très offensif, s'accusant mutuellement de mentir et confrontant leurs visions opposées de l'Amérique, à moins de deux mois d'une élection présidentielle historique. La vice-présidente démocrate et le candidat républicain, qui ne s'étaient jamais retrouvés face-à-face, se sont écharpés sur l'économie, l'avortement ou encore l'immigration.
Lors de l'arrivée sur la scène de la confrontation, à Philadelphie (est), la vice-présidente est allée à la rencontre de l'ex-président qui n'a eu d'autre choix que de serrer la main qu'elle lui tendait.
Entrée en course après le retrait spectaculaire de Joe Biden le 21 juillet, Kamala Harris a pris depuis un certain élan dans les sondages. Mais de nombreux Américains disent encore avoir du mal à cerner la vice-présidente de 59 ans, sa personnalité, ses idées, son programme. Le premier objectif de la démocrate était donc de faire bonne impression auprès de ces indécis.
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Donald Trump n'a, lui, nul besoin de se faire connaître, ni auprès de ses partisans extrêmement fidèles, ni auprès de ses détracteurs. Le milliardaire de 78 ans, cerné par les procédures judiciaires, participait, ce mardi, à son septième débat présidentiel. Le républicain cherche un nouveau souffle, de manière à gagner des voix au-delà de sa base habituelle, très stable et encore plus fervente depuis qu'il a été victime d'une tentative d'assassinat le 13 juillet.
Un duel de 90 minutes
Depuis le premier débat télévisé de 1960 entre John F. Kennedy et Richard Nixon, ces duels ont permis aux candidats de se distinguer par une saillie ou une réplique percutante, mais jamais ils n'avaient vraiment bouleversé une campagne avant le 27 juin dernier. La performance calamiteuse de Joe Biden face à Donald Trump a, en effet, précipité son retrait de la campagne au profit de Kamala Harris.
Mardi soir, la donne était différente. Kamala Harris a plusieurs fois poussé Donald Trump dans ses retranchements lors de ce duel de 90 minutes. « Trump était très mauvais et Harris a largement gagné » a asséné le politologue Larry Sabato. « Cela ne va peut-être pas faire bouger beaucoup les sondages », a rappelé Julian Zelizer, professeur à l'université Princeton. « Mais elle l'a poussé vers le genre de discours illustrant le chaos qu'il a apporté sur la scène politique ». D'autant que la vice-présidente a déjà mis au défi son rival républicain de débattre une deuxième fois, peu après la fin de leur première confrontation, selon un communiqué de son équipe de campagne.
Donald Trump a jugé de son côté, sur sa plateforme Truth Social, qu'il avait livré « son meilleur débat », tandis que ses partisans ont remis en cause l'impartialité des deux journalistes de la chaîne ABC animant les échanges.
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Des échanges acerbes
L'ex-président a notamment puisé dans la rhétorique sombre, parfois décousue et souvent truffée de contre-vérités de ses meetings. Il a accusé la vice-présidente de laisser « des millions de personnes affluer dans notre pays depuis les prisons, les établissements psychiatriques et les asiles d'aliénés » de l'étranger.
« Vous ne vous présentez pas contre Joe Biden mais contre moi », a fini par lui lancer la démocrate. Si Donald Trump n'est jamais complètement sorti de ses gonds, Kamala Harris a plusieurs fois piqué sa susceptibilité. Notamment en assurant que le public quittait les meetings de son rival « par ennui », un sujet éminemment sensible pour l'ex-vedette de télévision. Ou en lui rappelant qu'il avait été « viré » par les électeurs, quand Donald Trump a une nouvelle fois refusé de reconnaître qu'il avait perdu en 2020. Dans un moment particulièrement virulent, Kamala Harris, qui se sait en position de force sur le sujet, a également reproché à son adversaire de propager un « tissu de mensonges » sur l'avortement et « d'insulter » les Américaines.
Au cours du débat, Donald Trump a repris l'accusation mensongère de son camp selon laquelle des migrants haïtiens mangent « des chats et des chiens » dans une ville de l'Ohio (nord-est). Il s'est fait reprendre par les deux journalistes d'ABC, qui ont corrigé certaines déclarations du républicain, ce que n'avaient pas fait leurs confrères de CNN en juin lors du débat entre Donald Trump et Joe Biden, lequel avait tourné au désastre pour le démocrate.
Les échanges ont été tendus par ailleurs sur la politique étrangère, ainsi quand la vice-présidente a assuré que le président russe Vladimir Poutine ne « ferait qu'une bouchée » de Donald Trump, qu'elle a décrit comme un dirigeant que les « dictateurs » sauraient « manipuler ». « Si elle devient présidente, je crois qu'Israël n'existera plus d'ici deux ans », a pour sa part accusé l'ancien président.
De nombreuses oppositions sur les thèmes économiques
Du côté de l'économie, le candidat républicain a reproché à Kamala Harris d'avoir « copié » le programme économique du président Joe Biden. Les deux candidats se sont également accusés mutuellement soit d'avoir « vendu » le pays soit d'avoir détruit l'économie.
« Il a vendu des semiconducteurs américains à la Chine pour les aider à améliorer et moderniser leur armée », a accusé la vice-présidente démocrate. « Il nous a grosso modo vendu alors qu'une politique vis-à-vis de la Chine devrait s'assurer que les Etats-Unis remporteront la compétition du XXIe siècle ».
Pouvoir d'achat, inflation ou position de la démocrate sur le gaz et le pétrole de schiste, les sujets d'affrontement n'ont pas manqué. Faisant référence à la hausse des droits de douane mise en place durant son mandat par Trump, Harris a estimé qu'il avait « lancé des guerres économiques », tant avec la Chine que l'Union européenne. Quant à la proposition du républicain d'imposer 10% à 20% de droits de douane sur l'ensemble des importations, la démocrate y a vu un « impôt sur la consommation », qui pèsera au final sur le consommateur américain.
L'ancien président a cependant répliqué en soulignant que le président démocrate sortant, Joe Biden, avait conservé les droits de douane qu'il avait mis en place sur un certain nombre de produits chinois. Il a surtout attaqué Kamala Harris sur la question du gaz et du pétrole de schiste, un sujet sensible en Pennsylvanie où avait lieu le débat, assurant qu'« elle n'autorisera plus jamais » la fracturation hydraulique dans cet Etat. La candidate démocrate a rappelé mardi qu'elle avait assuré dès 2020 qu'elle ne l'interdirait pas, et qu'elle n'avais pas poussé en ce sens en tant que vice-présidente.
Donald Trump a également accusé le gouvernement actuel d'avoir détruit l'économie américaine, prenant pour exemple la forte inflation observée, en particulier en 2022 et 2023. D'autant que l'économie est considérée comme le principal sujet par les électeurs, selon une enquête réalisée début septembre par Siena pour le New York Times. Mais « tout ce que nous avons fait est réparer le désordre laissé par Donald Trump », a assuré Harris, rappelant notamment « le pire taux de chômage depuis la Grande Dépression ». En quittant la scène, Donald Trump et Kamala Harris ne se sont, cette fois, pas serré la main.
Taylor Swift annonce soutenir Kamala Harris à l'élection présidentielle
La mégastar de la pop américaine Taylor Swift a annoncé sur Instagram mardi, à l'issue du débat entre Donald Trump et Kamala Harris, qu'elle voterait pour la candidate démocrate lors de l'élection présidentielle car « elle se bat pour les causes et les droits auxquels je crois ».
« En tant qu'électrice, je fais en sorte de regarder et lire tout ce que je peux sur les politiques et les programmes pour le pays » des deux candidats, a expliqué la chanteuse, ajoutant au sujet de Kamala Harris: « Je pense qu'elle est une dirigeante douée et solide ». Sa publication a récolté plus d'un million de mentions « J'aime » en moins de 15 minutes.
(Avec AFP)