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Barnier à Matignon, le joker anti-censure
Le Républicain Michel Barnier a été nommé Premier ministre mercredi par le chef de l’Etat. Il succède à Gabriel Attal dont le mandat de huit mois à Matignon sera le plus court de la Ve République. Michel Barnier va bâtir un programme de gouvernement avant de procéder à la composition de son exécutif. Le nouveau Premier ministre a demandé « du respect entre le gouvernement et le Parlement » et du « du respect entre toutes les forces politiques ».
Un calvaire s’achève, un chemin de croix démarre. Au terme d’une laborieuse et interminable séquence de consultations avec l’ensemble de l’échiquier politique, Emmanuel Macron a finalement tranché. Ce sera la droite. En début d’après-midi, l’Elysée a annoncé la nomination du Républicain Michel Barnier à Matignon. Avec une mission première : éviter de voir l’Assemblée nationale voter une motion de censure contre le nouveau chef du gouvernement. « Le Président s’est assuré que le Premier ministre et le gouvernement à venir réuniraient les conditions pour être les plus stables possibles et se donner les chances de rassembler le plus largement », indique l’Elysée. Pour l’instant, ça passe.
Barnier à Matignon: le nouveau Premier ministre déjà au défi de composer son gouvernement
Et maintenant, « au travail ». Le poncif qui conclut tous les discours de passation de pouvoirs avait des allures de défi pour Michel Barnier, jeudi, dans la cour de Matignon. Chargé par le président de la République de « constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays », le Savoyard de 73 ans se sait déjà en sursis et va devoir trouver les bons équilibres pour ne pas tomber à la première motion de censure.
Future équipe. Sans attendre, il a multiplié les appels téléphoniques avant même sa prise de fonction, selon son entourage : Edouard Philippe, François Bayrou, Laurent Wauquiez, mais aussi Nicolas Sarkozy, ainsi que la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet et celui du Sénat Gérard Larcher.
Dès vendredi, il recevra à 9 heures son prédécesseur Gabriel Attal, président du groupe macroniste Ensemble pour la République (EPR) à l’Assemblée, puis à 10 heures 15 les dirigeants de son propre parti, Les Républicains (LR), pour examiner les conditions d’une participation à sa future équipe.« Certaines personnalités de gauche » ont également été contactées et d’autres échanges devaient suivre, y compris avec la France insoumise et le Rassemblement national, car « il veut rassembler et respecter tout le monde ».
Le nouveau Premier ministre a lui-même tendu des perches dès sa première prise de parole : « Il faudra beaucoup d'écoute » et « du respect à l'égard de toutes les forces politiques qui sont représentées » au Parlement. Car de son point de vue « le sectarisme est une preuve de faiblesse, quand on est sectaire, c’est qu’on n’est pas sûr de ses idées ».
« Changements et ruptures ». Les siennes restent encore à préciser. Tout juste a-t-il assuré que « l'école restera la priorité du gouvernement », de même que d’autres chantiers dont « l’accès aux services publics », « la sécurité au quotidien », « la maîtrise de l’immigration », ou encore le travail et le pouvoir d’achat.
Une feuille de route a priori consensuelle, même si M. Barnier a promis « des changements et des ruptures » et laissé augurer de choix difficiles avec la volonté affichée de « dire la vérité » sur « la dette financière et écologique ».
Reste à voir qui acceptera de monter à bord. Pas le RN, qui « ne participera pas » au gouvernement Barnier mais a « posé des conditions », a fait savoir Marine Le Pen, dont les 126 députés détiennent la clé d’une éventuelle censure.
« Nombreux à aider ». Pas la gauche non plus, qui, de Jean-Luc Mélenchon à Carole Delga, a immédiatement fustigé ce « Premier ministre nommé avec la permission du RN » et de facto « dans les mains des groupes parlementaires d’extrême droite ». Ce qui conforte LFI dans sa démarche de destitution engagée contre Emmanuel Macron, doublée d’appels à manifester dans plusieurs villes samedi.
Restent donc les membres de l’ex-majorité, qui seront « nombreux à aider » le nouveau Premier ministre, selon l’un de ses prédécesseurs Edouard Philippe. Pas vraiment idéal toutefois pour incarner les « ruptures » annoncées.
Michel Barnier, toujours membre des Républicains (LR), peut également compter sur sa famille politique. « C’est quelqu’un de chez nous, on va pouvoir engager le dialogue facilement avec lui », se réjouit la secrétaire générale du parti de droite, Annie Genevard.
Propres critères. Les députés du groupe centriste Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires) montrent aussi de bonnes dispositions à l'égard de ce « politique avec une expérience forte » qui « correspond en partie au profil » qu’ils souhaitaient, sous réserve que « la composition du futur gouvernement et (ses) orientations marquent un changement de méthodes et de cap ».
Le nouveau locataire de Matignon a ses propres critères. « Il veut des ministres solides, compétents et efficaces », indique son entourage, et « l aura la liberté » de les choisir. Tout comme pour son directeur de cabinet, poste éminemment stratégique : « Ce sera M. Barnier seul et lui-même qui le décidera ».
Comme pour mieux marquer ses distances avec le chef de l’Etat, il n’a été prévu « ni rencontre ni dîner » jeudi soir entre les deux hommes. Qui devront pourtant reprendre langue rapidement pour valider le casting gouvernemental et boucler un budget 2025 à hauts risques. Et inventer une relation inédite, non pas de cohabitation, mais de « coexistence exigeante », selon l’entourage du président.
Gabriel BOUROVITCH